Amandine Ramaye, élue à la Région après 14 ans de militantisme social et politique

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La jeune Saint-Andréenne, qui vit à la Plaine-des-Palmistes, a été élue conseillère régionale le mois dernier sur la liste conduite par Huguette Bello. Elle a obtenu le poste de 6ème vice-présidente le 2 juillet lors de l’installation officielle de la nouvelle alternance à la pyramide inversée. Mais contrairement à ce que l’on peut croire, un mandat politique n’arrive jamais par magie. Il est l’aboutissement de longs combats (associatifs ou autres), de longues années de militantisme politique également. Il n’y a rien sans rien dans la vie. Raison pour laquelle, même si le jugement est facile, il nous faut prendre le temps de comprendre, de connaître, avant de critiquer. Aussi, afin d’éviter tout jugement hâtif, tout « ladilafé », freedom.fr a décidé de vous faire connaître chaque semaine le parcours complet des nouveaux élus du Département et de la Région, « les p’tits jeunes » comme on dit. Des « p’tits jeunes » dont certains, certaines, ont dû cravacher dur pour arriver là où ils y sont aujourd’hui. Nous commençons notre nouvelle série avec Amandine Ramaye, la nouvelle conseillère régionale de la majorité.

Votre parcours, votre formation ? 

« A 17 ½ ans, j’obtiens mon BAC ES (2003) et départ vers la métropole pour effectuer mes études de psychologie à l’université Toulouse II, le Mirail ».

 

Vos premières manifestations ? 

« Mes années fac étaient marquées par divers mouvements sociaux et notamment par une très grosse grève des étudiants dans le cadre de la loi Pécresse (2007) qui signait le désengagement financier de l’Etat et un glissement vers la privatisation des Universités, avec pour conséquence, une inégalité dans la qualité et les moyens alloués à l’enseignement. J’ai alors découvert une jeunesse engagée, soucieuse de son avenir, de l’avenir des générations qui arrivaient et de celui de tout un pays. C’est alors, qu’avec mes camarades de fac, j’ai connu mes premières manifestations ».

Vous avez été volontaire à ATD-Quart Monde ? 

« En 2007, après avoir effectué un stage d’observation aux restos du cœur, dans le cadre de mes études, j’ai vu ce qu’était la misère, qu’elle était là sous nos yeux, sur notre territoire français et pas que dans les pays du tiers monde : des familles et leurs enfants, des étudiants, des jeunes isolés ou en couple, avec ou sans enfants, venaient y faire la queue pour pouvoir récupérer des denrées alimentaires… Touchée par cette expérience, mon Master 1 de psycho en poche, je décide de réaliser un vieux rêve, celui de m’engager au sein d’une ONG. Je deviens donc volontaire à ATD-QUART MONDE PARIS, dont le but est de mettre fin à l’extrême pauvreté et construire une société plus juste, qui respecte les droits fondamentaux et l’égale dignité de toutes et tous ». Parallèlement à cela, je prépare mes dossiers pour postuler en Master 2 de psychologie, dans diverses universités ».

Vous dénoncez « la préférence métropolitaine » ?

« En 2008, j’intègre le Master 2 de psychologie au SUFP de la Réunion. Je continue mon expérimentation de la vie et me rends compte très rapidement, des injustices et des inégalités des chances dont nous, jeunes réunionnais, sommes victimes. En effet, j’ai constaté, qu’il existait une préférence métropolitaine qui se traduit par des promesses d’embauches pour certains avant même d’être diplômés et avoir fait leur preuves, promesses d’embauches pour d’autres alors même qu’ils n’avaient jamais mis un pied sur le sol réunionnais et cela, me révolte. Dans le cadre de mon parcours de formation, je prends conscience également que les politiques parlaient de la jeunesse sans la jeunesse et qu’avoir moins de 25 ans n’ouvraient droit à rien lorsqu’on est étudiant ou sans emploi. Et cela, me paraissait injuste.

Vous êtes diplômée et sans emploi ?

« En effet, en 2009, obtention de mon Master 2 de psychologie clinique, psychopathologie et psychothérapie. Et là, c’est la croix et la bannière pour trouver un emploi car jeune diplômée et sans expérience ».

Puis arrive votre premier revenu ? 

« Mon premier revenu, c’est le RMI (Revenu Minimum d’Insertion). Après avoir perçu le RMI durant 2 mois, et n’ayant toujours pas d’activité professionnelle, je décide de m’installer en libérale. Ma mère qui est infirmière libérale me met à disposition son bureau. Mais, très vite, un contrôleur de la CAF passe chez mes parents pour évaluer ma situation, je me vois retirer la seule source de revenu à laquelle j’avais droit et donc, jeune de plus de 25 ans, je me retrouve sans revenu, diplômée et totalement dépendante de mes parents ».

Après 2 ans de chômage, vous décrochez votre premier emploi ?

« Après avoir postulé de manière spontanée dans diverses institutions, en 2011, je finis par décrocher mon premier emploi au CHI de Saint-Benoît et qui, un an plus tard, devient le GHER, poste que j’occupe encore aujourd’hui.

2010, c’est le déclic politique pour vous ?

« En 2010, arrive les élections régionales, Paul Vergès est vaincu par Didier Robert. A ce moment-là, j’ai eu du mal à comprendre comment la Réunion a-t-elle pu tourner le dos à des projets ambitieux pour le développement de notre territoire (notamment le Tram Train). Ça été aussi la désillusion et le dégoût envers une partie de la classe politique car à mon sens il était inadmissible de mentir à la population en prétendant être de gauche et en même temps, trahir le progrès… Ce scrutin a été le moment d’une prise de conscience et d’un éveil citoyen, à savoir : soit je subis ou sois j’agis. J’ai donc décidé d’agir. Ce cheminement m’amène à m’engager politiquement sur un coup de tête.  Et c’est en parlant de ce projet, par hasard avec une connaissance de mon père, que cette personne me propose de me mettre en contact avec un cadre du PCR. C’est alors qu’en août 2010, je crée une section PCR sur la Plaine-des-Palmistes et par la suite, j’intègre son comité central ».

En 2010, vous vous engagez également au sein de l’AJFER ?

« J’ai effectivement rejoint l’Alliance des Jeunes pour la Formation et l’Emploi à la Réunion, présidée par Gilles Leperlier à l’époque, afin de faire valoir les compétences de notre jeunesse réunionnaise, diplômée ou non, qui trop souvent se retrouve sans emploi ; Lutter contre les réseaux et une préférence métropolitaine sur les postes à responsabilité; Favoriser la priorité de l’emploi aux Réunionnais ; Et œuvrer en faveur de notre jeunesse désœuvrée, qui ne demande qu’à être soutenue et accompagnée.

Vous vous engagez ensuite à l’ARCP ?

« Lors des réunions au PCR et avec l’AJFER, j’ai eu l’occasion de rencontrer le mouvement de Jean-Hugues Ratenon, L’Alliance des Réunionnais Contre la Pauvreté. Je me souviens avoir pris la parole pour poser la problématique de la jeunesse réunionnaise au cours d’une réunion et on m’avait demandé mes coordonnées pour m’inviter à assister à une réunion publique à Saint André concernant lutte contre la pauvreté. J’ai adhéré à ce combat, aux valeurs de ce mouvement et, quelques mois plus tard, je me suis engagée à l’ARCP, d’autant plus que c’était un mouvement basé dans l’Est, micro-région la plus pauvre de la Réunion ».

En 2012, vous participez au mouvement social « contre la vie chère » ?

« L’ARCP est engagé dans les mouvements sociaux contre la vie chère : l’objectif dénoncer la perte du pouvoir d’achat, les monopoles et l’opacité dans la composition des prix. Au moment des négociations avec le préfet, les élus et les acteurs de la grande distribution, le préfet dit à notre leader Jean-Hugues Ratenon qu’il n’était pas représentatif de la population. C’est alors que l’ARCP lance une pétition et fort de plus de 2000 signatures, on se lance dans la campagne des législatives de juin 2012. Alors âgée de 26 ans, on me propose d’être suppléante et il fallait dire oui rapidement. Pas content de cette candidature, le PCR nous le fait savoir et c’est la rupture ».

Votre première candidature en politique ? 

« Ce fut donc ma 1ère expérience politique et électorale. Nous avons mené campagne dans l’Est pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2012 et, en juin de la même, j’étais suppléante de Jean-Hugues Ratenon aux législatives dans la 5ème circonscription de la Réunion ».

En 2014, vous êtes la première femme tête de liste aux municipales à la Plaine-des-Palmistes ?

« En 2014, je suis candidate aux municipales; C’est la 1ère fois qu’une femme se lance en tant que tête de liste dans cette commune. Mon objectif : promouvoir la femme et l’émancipation des femmes sur la scène publique et politique. Lors du second tour, alors que j’aurai pu fusionner avec d’autres listes et prétendre à un poste, j’ai préféré suivre mes convictions et ce pour quoi je me suis engagée : l’honnêteté et l’éducation populaire. Après ces élections municipales de 2014, la présidente d’Agir Pou Nout Tout quitte sa fonction, on me propose d’assurer ce rôle bénévolement et ce, jusqu’à aujourd’hui ».

Puis arrivent les élections régionales de 2015 ?

« Je suis 2ème sur la liste : « Voter se révolter pour avancer » aux Régionales », conduite par Jean-Hugues Ratenon. Nous avons obtenu 1,67% des suffrages. Dans cette continuité, le 18 juin 2016, est crée le parti REZISTANS’EGALITE-974, suite à la fusion entre l’ARCP et le Front de Gauche-974 de Jean Paul PANECHOU. Les membres fondateurs proposent ma candidature pour être la 2ème vice-présidente afin de respecter la notion de parité. Le 17 juin 2017 :  REZISTANS’ EGALITE 974, décroche un poste de député, qui tout naturellement s’inscrit dans le groupe parlementaire LFI ».

2019 – 2020 :  Crise des Gilets Jaunes  et nouvelles élections municipales ?

« Fin 2018, y a le mouvement des GJ dans lequel notre groupe et moi-même avons eu l’occasion de faire le tour des barrages de l’île et écouter les colères et les attentes de la population. Attentive et compréhensive des attentes de la population à savoir : plus de moralité et de transparence dans la gestion des deniers publics et des affaires publiques, tendre vers une démocratie plus participative etc.; Je me lance à nouveau aux municipales de 2020. Mon leitmotiv et conformément à l’orientation de la France Insoumise : mettre l’accent sur la démocratie participative car le mouvement des Gilets Jaunes a mis en exergue un climat de défiance envers la classe politique et a marqué la volonté du peuple de changer de façon de faire de la politique pour retrouver cette confiance envers les élus qui soient plus transparents et plus honnêtes. Et cela s’est inscrit dans une démarche d’éducation populaire, d’où le fait d’avoir choisi la méthode du tirage au sort pour constituer 1/3 de ma liste et d’avoir proposer qu’il y ait un budget participatif pour financer un projet citoyen qui sera soumis au vote de la population ».

Mars 2020 c’est aussi le début de la crise sanitaire ? 

« Cette pandémie touche la planète toute entière et nous oblige à réfléchir à la fois sur ce qu’il se passe sur le plan local, national et international. Constats : les peuples sont en souffrance, une inégalité dans la répartition des richesses, mauvais usage des biens publics (eau, et autres ressources naturelles, une Terre qui vit à crédit et qui s’étouffe à cause d’une activité humaine intensive, démesurée, ne respectant pas l’environnement). Face à cela, les plus démunis ont été encore une fois les plus touchés par cette crise sanitaire sans précédents, notre modèle de société est à bout de souffle et il fallait en tirer des leçons. La Réunion de son côté est classée 6ème Région de France la plus corrompue et on ne pouvait plus continuer comme cela.  Il était donc nécessaire de travailler en faveur de la transparence dans la gestion des deniers publics, de plus de moralité et de probité dans la vie politique et publique ».

Septembre 2020, le choix du rassemblement ? 

« Il était de notre devoir d’agir si nous voulions un changement de gouvernance à la Réunion. Les élections départementales et régionales arrivant, il fallait qu’on se positionne. C’est alors que dès septembre 2020, avec l’ensemble des militants de REZISTANS’EGALITE-974 et de la FI, nous nous sommes accordés sur la nécessité de créer toutes les conditions d’un programme progressiste et d’une liste progressiste gagnante pour changer de dynamique. Alors, dans cette optique, nous avons renoncé à réclamer une quelconque tête de liste et notre leader Jean-Hugues Ratenon s’est positionné comme étant rassembleur. Et dès le mois de septembre, j’ai été mandaté par mes camarades, pour participer aux discussions, aux diverses réunions pour créer toutes les conditions de ce rassemblement des forces de progrès. De septembre à janvier 2021, toutes les semaines ça été des réunions pour trouver un accord politique sur la base d’un programme partagé (j’ai participé à l’élaboration du programme avec les autres composantes pour une liste unie dès le 1er tour). Mais, il n’a pas été possible de trouver un accord sur la désignation de la tête de liste, puisque le 16 février, sans le savoir, Ericka Bareigts annonce indirectement sa candidature dans le cadre de l’émission « ça koz politique » sur Antenne Réunion, nous obligeant à nous diriger vers une sorte de primaire de gauche. La FI et RE-974, gardent le cap d’un rassemblement même à minima et nous restons fidèles à une tête de liste Huguette Bello pour une union des réunionnais autour d’un projet commun. Avec d’autres camarades de RE-974 et de la FI, je suis aussi signataire de l’appel des 100 pour représenter nos organisations et nos groupes d’actions (GA de la Plaine des Palmistes).

2007, votre premier engagement et en 2021, vous voilà élue et vice-présidente de la Région ?

« 14 ans après ma première manifestation et engagement dans les luttes sociales ; 11 ans après mes premiers pas en politique, je me retrouve à la 6ème vice-présidente du conseil régional. Et comme le dit à chaque fois le leader de notre mouvement REZISTANS’ et référent de La France Insoumise, le mandat politique n’est pas une promotion sociale mais c’est bel et bien une responsabilité à assumer, un outil au service du peuple. Consciente de mes responsabilités, je l’assumerai pleinement tout en restant une militante. Je remercie celles et ceux qui ont voté pour cette liste d’union et je tiens à remercier toutes celles et ceux qui m’ont accompagné tout au long de mon parcours; Un grand merci à l’ensemble des camarades de REZISTANS’ et de la France INSOUMISE, pour leur confiance, qui me porte et me guidera dans les actions à venir ».

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

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