Au-delà du duel Robert/Bello, quelle vision pour la Réunion de demain ?

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Ce sera exceptionnellement un édito 100% politique. On prend les mêmes et on recommence ! Comme lors la finale de 2015. Ce sera de nouveau un match Didier Robert/Huguette Bello aux régionales. Un combat bloc contre bloc qui nous ramène au bon vieux bipolarisme politique droite/gauche, de l’union de la droite et des centres contre l’union de la gauche (et des centres aussi), car il y a un centre-droit et un centre-gauche, et parfois même un mélange des centres. Nassimah Dindar et Thierry Robert sont par exemple du centre-droit et ils voteront à gauche ce dimanche. Serge Hoareau (maire de la Petite-Ile) est du centre-gauche et lui aussi votera à gauche ».

En revanche, il y a des centristes de droite (chez les maires notamment) qui voteront à droite. Balle au centre dans le sens où la partie n’est pas encore gagnée pour personne. Il va falloir incontestablement aller chercher du côté des abstentionnistes (63% dimanche dernier). Ces derniers vont en effet peser très lourd dans la balance du second tour. Contrairement donc à Alexandre Laï-Kane-Chéong (Alek de « Croire et Oser ») qui cherche à surfer sur la vague des abstentionnistes devenu aujourd’hui le premier Parti politique de France, le bon sens en démocratie inciterait plutôt à l’accomplissement de son devoir civique, quel que soit son vote !

La partie s’annonce serrée. Le match est relativement équilibré. Nous sommes plus ou moins dans la même configuration qu’en 2015. Didier Robert avait terminé en tête avec 40,36% des voix face à Huguette Bello (23,80%). A l’époque, Thierry Robert (20,32% et Patrick Lebreton (7,12%) avaient rejoint au second tour Huguette Bello. L’alliance des trois représentait sur papier un peu plus de 50% des suffrages.

Six ans plus tard, Didier Robert est toujours en tête mais son score est de 31,10% contre 20,74% des suffrages à Mme Bello. Quand on additionne les voix de Bello, Bareigts, Lebreton (qui ont fusionné dès lundi dernier) ainsi que celles obtenues par Olivier Hoarau (maire du Port) et Jean-Pierre Marchau (Les Verts), la gauche aligne sur papier près de 53% des voix. De l’arithmétique me direz-vous, qui ne rime pas forcément avec la politique. Une dynamique mathématique…

Tout dépendra en fait de la mobilisation d’une partie des abstentionnistes mais aussi de celle de certains maires de droite qui ne se sont pas véritablement engagés lors du premier tour en se contentant du minimum syndical voire même dans certaines communes de « donner un petit coup de main » à Ericka Bareigts. Ces mêmes maires de droite, plus précisément Michel Fontaine et André Thien-Ah-Koon, s’étaient davantage concentrés, dimanche dernier, sur les départementales.

Qu’en sera-t-il dimanche prochain ? Petite remarque qui vaut sans doute son pesant de cacahuètes, aucun des deux ténors de la droite ne s’est déplacé ce mercredi à Sainte-Marie pour le point-presse de Didier Robert auquel, soit dit en passant, freedom n’a pas été convié. Mais bon, ça devient une habitude et cela ne nous empêche pas de faire notre travail d’information ! Je ne m’y attarderai pas non plus sur la gué-guerre Lagourgue-Nirlo, qui a déjà « pété » en public depuis bien longtemps déjà, même si ça va crescendo au fil des semaines. Voilà qui n’envoie pas vraiment un signal d’union comme l’aurait souhaité Didier Robert. Idem pour le crêpage de chignon en public entre deux maires de droite, dans le Sud, à savoir Eric Ferrère (Les Avirons) et Jean-Claude Lacouture (Etang-Salé), qui a tourné à l’avantage du premier, dimanche dernier, lors du premier tour des départementales. Le précipice se creuse de plus en plus pour le maire de l’Etang-Salé. Une page serait-elle en train d’être définitivement tournée ? Mathieu Hoarau de « La Voix des Citoyens » (LVC) veille au grain. Son tout nouveau parti politique compte déjà une conseillère départementale en la personne de Louise Simbaye, la binôme d’Eric Ferrère. Un bon début !

Revenons à Didier Robert qui a fini premier dans 15 communes sur 24, en se payant même le luxe de devancer Ericka Bareigts à Saint-Denis et de damer le pion à Huguette Bello à Saint-André, commune du « PLR » Joé Bédier et ce, sans soutien médiatique de son journal préféré (et hyper subventionné) qui l’a lâché en rase campagne un mois avant les élections pour soutenir la maire de Saint-Denis… qui a perdu. Bref, le genre de soutien dont le président sortant de Région ne craint plus de s’en passer. Notons que parmi les 5 maires engagés directement engagés dans ces élections régionales (Huguette Bello à Saint-Paul, Ericka Bareigts à Saint-Denis, Olivier Hoarau au Port, Patrick Lebreton à Saint-Joseph et Vanessa Miranville à la Possession), la seule qui s’est fait battre dans sa propre commune, c’est Ericka Bareigts. Mais gageons qu’elle va vite reprendre les affaires en main pour ne plus « glisser » aux prochaines municipales, à moins de vouloir laisser d’ici là la main à quelqu’un d’autre et abandonner toute ambition régionale, voire nationale !

« Il nous faudra briser les chaînes du néo-colonialisme politique et économique pour avancer… »

Dans les treize autres communes des droites et des centres, conformément aux accords passés le 4 mai dernier chez Mme Annibal à Bras-Panon, les maires ont fait le job. Certains parmi eux ont sûrement encore un peu de marge qu’ils pourraient exploiter le 27 juin. Les arguments relatifs à la probité, à l’éthique (récente condamnation du tribunal dans l’affaire de la SPL des Musées Régionaux) ainsi qu’à la « demi route » du Littoral utilisés par les adversaires du président sortant n’auront manifestement pas eu de prise sur l’électorat, qui l’a placé en tête du premier tour du scrutin. Didier Robert va jouer son va-tout pour espérer créer une première dans l’histoire de la Région-Réunion, à savoir accéder pour la troisième fois à la tête de la pyramide inversée. Depuis la loi de décentralisation de 1982 et la création, en 1983, de la Région, personne n’a encore réussi un tel exploit. Feu Paul Vergès avait été élu à deux reprises (1998 avec l’Alliance et 2004 avec le Rassemblement).

Pour sa part, la gauche réunionnaise aujourd’hui réunie se trouve face à un tournant : reprendre la collectivité régionale à la droite avec une Huguette Bello infatigable en dépit de son âge. La maire de Saint-Paul se sent boostée par la dynamique de gauche créée autour de sa candidature et par « le Tout Sauf Didier Robert », qui est sorti majoritaire des urnes au soir du premier tour du scrutin malgré une très faible participation. Contrairement aux ténors de la droite plutôt timorés, les alliés d’Huguette Bello en revanche ont repris leur bâton de pèlerin. Ericka Bareigts et Patrick Lebreton y croient dur comme fer et mettent tout en œuvre sur le terrain pour « changer la majorité régionale ».

 On connaît les candidats, les finalistes. Mais quel est véritablement le projet pour la Réunion ? Quelles sont leurs mesures concrètes dans tous les domaines structurants que sont le déplacement/transport, le logement, le développement économique, l’emploi, la formation, l’environnement… pour sortir la Réunion de l’impasse ? Quel que soit le président ou la présidente, ne va-t-on pas retomber dans cette gangrène qu’est la politique clientéliste qui ne fera pas avancer d’un pas notre île ? Nos élus seront-ils capables demain d’aller tous ensemble taper du poing sur la table à Paris pour défendre des dossiers importants et faire entendre la voix des Réunionnaises et des Réunionnais ? Ou bien se contenteront-ils d’une petite claque amicale dans le dos de la part d’un ministre ou de Matignon ou encore de l’hôte de l’Elysée, une fois les élections passées, pour rentrer dans les rangs des bons élus disciplinés ?

A mon humble avis, tant que nos élus se laisseront « infantiliser » par le pouvoir parisien, tant qu’ils ne briseront pas les chaînes du néo-colonialisme politique et tant qu’ils se laisseront amadouer, sur le plan économique, par les grands groupes ou les multinationales, en pensant notamment au financement de leur prochaine campagne électorale, la Réunion continuera à tourner en rond, comme c’est le cas depuis des lustres. Il n’est pas question ici de réclamer l’indépendance politique, de couper les ponts avec la mère patrie, pas du tout, mais nos élus, à force de se chamailler en permanence en s’inscrivant constamment dans un calendrier électoral, n’arrivent plus à plus à se projeter dans l’avenir. Ils se laissent « bouffer » par le système, ce système que rejette de plus en plus l’électorat, d’où le taux record d’abstention. Et l’on entend ainsi régulièrement : « droite, gauche, c’est kif-kif, tous les mêmes ! ». Le nouveau président ou la nouvelle présidente devra, s’il (ou elle) veut changer cette situation qui perdure (chômage endémique, le logement social en crise, des milliers de jeunes Réunionnais qualifiés, diplômés en errance professionnelle…), casser les codes et se montrer plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir parisien qu’il soit de droite, de gauche ou, peut-être, d’extrême demain. A la lumière de ce que l’on peut entendre durant cette campagne électorale, à l’instar des arguments avancés par les uns et les autres dans le cadre par exemple des débats télévisés, on ne perçoit pas encore ce changement de paradigme, de mentalité. C’est toujours le « train-train » qui prédomine. Sur de nombreux dossiers importants, les solutions concrètes tant attendues restent floues. La population a réellement le sentiment que plus nos élus parlent sur des sujets comme la préférence régionale à l’emploi, le coma circulatoire, le développement économique, le traitement des déchets… plus les problèmes se complexifient. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

Cyrille Melchior vers une deuxième présidence au Département ?

Nous ne sommes pas sortis des sempiternels règlements de compte, des critiques sans fondement, bref du folklore politique habituel. La « liste fusion-confusion » est un argument qui ne tient pas la route car Ericka Bareigts, colistière d’Huguette Bello n’est pas plus Macroniste que Michel Vergoz, colistier de Didier Robert. Par ailleurs, la tête de Patrice Selly n’a pas été « coupée » par Patrick Lebreton puisque sa place sur la liste d’union est revenue à un de ses élus bénédictins à savoir Patrice Boulevard. Certes, Patrice Selly et Patrick Lebreton (Monsieur 7% eu égard de ses scores aux régionales de 2015 et 2021) n’iront pas passer leurs vacances ensemble, mais personne n’a encore le pouvoir de couper la tête de qui que ce soit. Pour terminer sur les régionales, un des grands perdants de ce scrutin est sans doute Olivier Hoarau (- 5%) dont la campagne ne sera même pas remboursée par l’Etat. L’une des grandes gagnantes reste Vanessa Miranville (CREA) qui poursuit son petit bonhomme de chemin en cultivant la différence avec une vision politique innovante par rapport à la classe politique traditionnelle et qui file tout droit vers les régionales de 2028. « Et maintenant osons 2028 ! ». Pourquoi 2028 et non 2027 ? Parce que le mandat régional ou départemental va durer non pas six ans mais 7 ans étant donné que les derniers scrutins s’étaient déroulés en décembre 2015 et que le renouvellement a été procédé non pas en mars 2021 comme prévu initialement mais en juin en raison de la crise sanitaire. Et pour pas qu’il y ait de télescopage avec la présidentielle et les législatives en 2022, les régionales et les départementales auront lieu en 2028.

Venons-en à présent sur les départementales ! Trois binômes déjà élus dès le premier tour : Eric Ferrère et Louise Simbaye dans le canton 1 (Etang-Salé/Avirons) ; Inelda Leveneur-Beaussilon et Harry Mussard dans le canton 13 (Saint-Joseph) et Serge Hoareau et Sabrina Tionohoué dans le canton 22 (Saint-Pierre 3). Rappelons que s’il n’y avait pas eu autant d’abstentionnistes, d’autres candidats auraient été élus les doigts dans le nez. Mais la règle obligatoire des 25% des inscrits fait que ces derniers seront contraints à un second tour. C’est le cas pour des binômes comme Cyrille Melchior/Adèle Odon (plus de 63% des suffrages dans le canton 17/Saint-Paul 1), Bruno Domen/ Brigitte Absyte (60% dans le canton 14/Saint-Leu), Béatrice Sigismeau/Philippe Potin (56,92% dans le canton 21/Saint-Pierre 2), Thérèse Ferde/Jean-Louis Pajaniaye (52% dans le canton 20/Saint-Pierre 1), André Thien-Ah-Koon/Augustine Romano (dans le canton 25/ Le Tampon 2), de Laurence Mondon/Dominique Gonthier (51% dans le canton 24/Le Tampon 1), Monique Orphé/Gérard Françoise (54% dans le canton 9/Saint-Denis 1), Brigitte Adame/David Belda (54% dans le canton 11/Saint-Denis 3) et même Jeannick Atchapa/Sidoleine Papaya (plus de 49% dans le canton 6/Saint-André 3).

Encore un peu tôt pour dire si le Département restera à droite ou basculera à gauche mais quoi qu’il en soit, le clivage politique n’a jamais été vraiment marqué au niveau de cette collectivité qui plus est avec un président très consensuel comme l’a été Cyrille Melchior, un élu travaillant aussi bien avec la droite que la gauche et menant une politique qui n’a rien de clientéliste. D’ailleurs tous les dossiers, budgets y compris, présentés lors des sessions plénières ont toujours été votés à l’unanimité dans un climat très serein. Puisse cette ambiance constructive perdurer au Département ! Quid de Serge Hoareau ? En tant que maire « le mieux élu de France » de la Petite-Ile et président de l’Association des maires, sans compter vraisemblablement un nouveau mandat de vice-président transversal, il sera déjà bien occupé, surtout à l’heure où le cumul de mandats est de plus en plus montré du doigt. Voilà, je ne serai pas plus long aujourd’hui. La semaine qui s’annonce sera encore très politique avec le « 3e tour des départementales et des régionales ». Une fois désignés par le suffrage universel, nos 50 élus départementaux et 45 élus régionaux seront appelés à élire à leur tour leur président (ou présidente) du Département ainsi que leur président (ou présidente) de la Région. Deux scrutins en interne qui auront lieu le jeudi 1er juillet à 9 heures au palais de la Source pour le Département et le vendredi 2 juillet à la même heure à la pyramide inversée pour la Région. Que le meilleur ou la meilleure gagne. Et que ces nouveaux élus se mettent (ou se remettent pour certains) très rapidement au boulot !

Y.M.

([email protected])

 

 

 

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

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