Cour d’appel : Y’a-t-il eu « détournement d’héritage dans la famille S à St-Denis » ? 

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Les juges de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Saint-Denis qui ont examiné ce dossier assez complexe rendront leur verdict le 19 avril prochain. Une vieille affaire d’héritage familial qui date du début des années 2000 pour laquelle la première plainte avait été déposée par les « victimes » depuis 2012. Dix ans de procédures, d’instruction, d’enquêtes, de classement sans suite, de relance de l’instruction, avec mise en examen du frère aîné de la famille concernée, puis de nouveau prescription et, cette fois ci, examen en appel. Et décision de justice en attente. Une affaire d’héritage familial qui tourne au vinaigre comme c’est souvent le cas dans de nombreuses familles de France et de Navarre.

Trois frères et deux sœurs, toutes et tous de mêmes parents et natifs de Madagascar mais vivant pour certains depuis des décennies à la Réunion. Ils avaient en effet déposé plainte contre leur frère aîné en juillet 2012 pour « faux, usage de faux et vol aggravé ». Ils et elles le suspectent d’avoir « détourné l’héritage familial » soit plus de 115 000 euros que l’aîné de la fratrie aurait viré sur ses comptes en banque : 50 000 €, 49 000 € et trois autres virements pour un montant total de 16 500 €.

La plainte initiale avait été déposée au parquet de Saint-Pierre qui s’en est dessaisit en 2013 avant de le rediriger vers le parquet de Saint-Denis. Le dossier avait été classé dans un premier temps ; Plus précisément le 31 octobre 2016. Mais son classement n’a été notifié par le tribunal aux requérants que le 26 avril 2018. Raison pour laquelle, les consorts S ont redéposé une deuxième plainte avec constitution de partie civile, dans la foulée de la notification, en août 2018, histoire de ne pas perdre de temps, contrairement au parquet de St-Denis qui, lui, a attendu 16 mois avant de faire connaître officiellement sa décision à la famille S.

Les deux parents de la famille S. ne sont plus de ce monde. Le père est décédé en 2002 Son épouse disparaît 8 années plus tard. Elle était alors âgée de 91 ans lors sa mort. Pièces médicales à l’appui, il a été prouvé qu’elle n’était plus, bien avant son décès, en état d’écrire et de lire correctement, de même qu’elle présentait « les premiers signes de la maladie d’Alzheimer ».

Après son décès, à l’occasion de la succession, les trois frères et deux sœurs de la famille S se rendent compte de certains faits délictueux après examen des relevés bancaires de leur mère. Les époux S. étaient titulaires de deux comptes en banque. Les consorts S. s’aperçoivent que des virements ont été effectués depuis les comptes de leurs parents vers celui individuel de leur frère aîné : 50 000 € le 21 février 2003 et 49 000 € le 16 juin 2003. Trois autres virements sont effectués sur le même compte individuel les 10, 15 et 22 mai 2004 pour un montant total de 16 500 € avec, semble-t-il selon les consorts S. « des ordres de virement dont la signature ne ressemble en rien à celle de leur maman décédée.

Ils soutiennent que « les ordres de virement ne pouvaient avoir été validés et régularisés » par leur mère, « qui était illettrée et en état psychique de vulnérabilité ». Selon eux, « la vraie signature » de leur maman « est celle figurant sur son passeport qui fut délivré en 1999 ». Il résulte, après enquête, que tous les montants cités ci-dessus ont bel et bien transité vers le compte du frère aîné de la famille.

Aussi, après avoir eu connaissance de ces faits en 2010, une première plainte, comme précisé ci-dessus, est déposée en juillet 2012. La suite vous la connaissez : classement de l’affaire en 2016 pour prescription, notification aux consorts S. en 2018, nouvelle plainte avec constitution de partie civile en 2018 pour « faux et usage de faux, abus de faiblesse et vol aggravé ». Le tribunal prononce un non lieu en novembre 2018 ; Non lieu fondé sur la prescription des faits. Mais les consorts S. font appel de cette décision estimant que la prescription invoquée par le magistrat instructeur « n’est pas acquise ».

Les consorts S via leur conseil juridique contestent la prescription en raison de plusieurs actes interruptifs survenus entre le dépôt initial de la plainte en 2012 et la décision du magistrat en novembre 2018 en passant par le dessaisissement du parquet de Saint-Pierre en 2013, puis l’enquête confiée à la police en 2014. Tous ces actes ayant interrompu la prescription qui courait successivement jusqu’au 13 juillet 2015, puis le 8 février 2016 et enfin le 21 mars 2017.

« Le fisc aussi a été lésé…

S’appuyant sur la loi du 27 février 2017 (qui permet le report du délai de prescription de 12 années révolues pour les délits et de 30 ans révolus pour les crimes à compter du jour de commission de l’infraction), les consorts S. soutiennent que la prescription de l’action n’est donc pas acquise puisque leur plainte avec constitution partie civile a été déposée en août 2018.

L’appel des consorts est donc jugé recevable. Raison pour laquelle, l’affaire a été appelée devant la chambre d’instruction de la cour d’appel le 15 mars dernier. L’occasion pour la nouvelle avocate des consorts S. Me Najwa El Haïté (du barreau de Paris/notre photo de Une) de rappeler, preuves à l’appui (rapport de l’expertise privée en écriture pour démontrer la fausse signature de la mère décédée, et notification des conclusions d’expertise médicale pour la reconnaissance de son état de vulnérabilité) que « l’abus de faiblesse » et que « le détournement d’héritage » ne relèvent pas de l’imaginaire. Sans compter, toujours selon elle, que « le fisc a également été lésé », étant donné que « les sommes détournées n’ont pas été déclarées.

Il faut rappeler que dans le cadre de l’enquête concernant cette affaire, le frère aîné avait été mis en examen en mars 2021 pour « détournement d’héritage » mais son avocate Me Briot avait ressaisit le juge d’instruction qui a rendu une ordonnance constatant la prescription.

Concernant l’abus de faiblesse, l’expertise médicale est on ne peut plus claire. Il est écrit : « Mme S (ndlr : la maman décédée) présente des antécédents médicaux dont des troubles cognitifs, du comportement et une altération de son autonomie, la mettant dans une situation de vulnérabilité à risque très délétère, nécessitant l’aide d’une tierce personne au quotidien pour les actes de la vie, mais également au niveau médico-social et protection juridique ». Autrement dit, Mme S. n’avait plus la capacité de signer des virements en faveur de qui que ce soit. Une pièce qui figure bel et bien dans le dossier d’instruction.

Devant les magistrats, Me Najwa El Haïté a soutenu « qu’il y a eu un détournement d’héritage familial par l’aîné de la fratrie au détriment de tous ses frères et de ses sœurs » et « qu’il y a donc violation de la volonté des parents ». Selon l’avocate du barreau de Paris, « outre les consorts S., le fisc aussi a été lésé ».

Quel sera le verdict des magistrats de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Saint-Denis ? Réponse le 19 avril prochain. Une réponse très attendue par la famille S. depuis bientôt 10 ans qui, malgré toutes ces péripéties dans la procédure, croit encore en la justice de leur pays.

Y.M.

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Yves Mont-Rouge

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Téléphone : 0692 85 39 64

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