DGCCRF : accompagner les influenceurs, protéger les consommateurs

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Il n’existait jusqu’à présent aucun cadre spécifique ni aucune reconnaissance légale de l’activité d’influence commerciale. Les règles de droit commun (droit civil), du droit de la consommation et du droit commercial s’appliquaient donc, mais elles n’étaient pas toujours adaptées ni suffisamment connues des influenceurs. Cela n’est plus acceptable alors que ce secteur prend une importance croissante et que des abus sont constatés. L’accompagnement est le maitre mot de ce premier axe.

1) Création d’une définition juridique de l’activité d’influence commerciale
Jusqu’à présent, aucune définition de l’influenceur ou du créateur de contenu en ligne et de son activité n’existait. Ce flou conduisait par exemple à utiliser les statuts de mannequin ou de sportif sans cohérence avec les exigences de cette nouvelle activité. Cette définition constitue en outre un préalable indispensable à la détermination de règles particulières visant à encadrer la pratique des influenceurs.
L’influence commerciale est ainsi considérée comme la pratique consistant à créer et diffuser, à l’intention du public français, par un moyen de communication électronique, des conseils ou contenus faisant la promotion, directement ou indirectement, de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature.
En faisant son apparition dans le Code de la consommation et le Code du commerce, cette définition permet de lui appliquer le régime des pratiques commerciales trompeuses, et de l’appliquer à l’ensemble des influenceurs, y compris ceux installés à l’étranger, dès lors qu’ils s’adressent à un public français, et y compris à ceux pratiquant le « dropshipping ».

2) Création d’une définition juridique de l’agence d’influenceur
Comme pour la pratique de l’influence commerciale, il était nécessaire de définir l’activité d’agence d’influenceur. L’instauration d’une définition de leur activité permet là aussi de délimiter le périmètre des règles qui leur sont applicables, notamment leurs obligations à l’égard des annonceurs gestionnaires de marques et des influenceurs, ainsi que leur coresponsabilité lorsque ces agences conduisent l’influenceur à porter atteinte à un tiers dans l’exécution du contrat qu’elles lui ont proposé.
L’activité d’agent d’influenceur consiste ainsi, à titre onéreux, à représenter les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influenceur définie dans la loi, auprès des personnes physiques ou morales sollicitant leur service, dans le but de promouvoir, par un moyen de communication électronique, des biens ou des services. En tant que mandant, il doit se conformer aux droits et obligations des intermédiaires en matière de pratiques commerciales.

3) Obligation d’un contrat écrit entre les marques, les agences et les influenceurs sous un format libre
L’utilisation de contrats écrits était jusqu’à présent loin d’être systématique dans le secteur de l’influence, notamment lorsque la rémunération était en nature, alors même que sa valeur pouvait atteindre des sommes importantes.
L’obligation de rédiger un contrat écrit dès lors qu’il y a une prestation économique d’influence commerciale permet de résoudre ces difficultés, sans faire porter d‘obligations exagérément contraignantes sur les parties. Il est prévu de laisser une très grande liberté dans leur rédaction. Pour les petites structures et les micro-influenceurs, la forme de cet engagement sera minimale dès lors que les mentions principales apparaissent. Ce nouveau cadre permettra :
 aux influenceurs de connaitre et de garantir leurs droits, notamment en matière de rémunération et de propriété intellectuelle ;
 aux parties de sécuriser le contenu et l’exécution de la prestation ;
 aux autorités de contrôler efficacement le secteur ;
 aux tiers de trouver le niveau de responsabilité de chacune des parties, pour les dommages résultant de l’exécution dudit contrat.
Ce contrat a également une vocation pédagogique, afin de sensibiliser l’ensemble de leurs parties à leurs droits et obligations.

4) Un « guide de bonne conduite » pour les influenceurs
Les règles qui s’appliquent à l’influence commerciale sont désormais clarifiées et renforcées. Mais pour un influenceur, surtout lorsqu’il débute, il n’est pas toujours évident de comprendre ses droits et de se conformer à ses obligations.
C’est pourquoi un guide de bonne conduite va être diffusé massivement aux influenceurs, agences et marques et est disponible sur le site du ministre de l’économie (www.economie.gouv.fr/guide-bonne-conduite-influenceurs- createurs-contenu).

5) Protection des influenceurs mineurs
De plus en plus d’influenceurs commerciaux mineurs apparaissent sur les réseaux sociaux, directement ou via leurs proches qui les mettent en scène. Si l’encadrement de l’activité d’influenceur sur les seules plateformes de vidéo en ligne existe déjà partiellement, ce cadre est élargi à l’ensemble des réseaux sociaux.
Désormais, pour les mineurs de moins de 16 ans, il sera nécessaire d’obtenir un agrément auprès des services de l’Etat et 90% des sommes perçues issues de l’influence commerciale devront être consignées jusqu’à leur majorité.
Pour les mineurs de plus de 16 ans non émancipés qui désirent être employés au service d’une entreprise exerçant une activité d’influence commerciale (pour être par exemple le contributeur principal à cette activité d’influence), leurs représentants légaux devront a minima signer le contrat de travail du mineur.

6) Création des Rencontres de l’influence responsable
En matière de gouvernance, le secteur de l’influence commerciale, qui croît pourtant fortement depuis plusieurs années, ne disposait pas d’instance de dialogue pour rassembler tous les acteurs, influenceurs, agences, annonceurs, associations, plateformes et autorités de régulation, autour de la même table.
La consultation qui a été menée depuis le mois de décembre a permis de partager les points de vue, de manière à converger vers une influence commerciale plus responsable. Compte tenu de la richesse de ces échanges, une réunion annuelle présidée par le ministre aura désormais lieu à Bercy. Elle s’appuiera sur les mêmes organisations qu’aux groupes de travail, de manière à échanger régulièrement et à adapter le cadre règlementaire, le guide de bonne conduite ou le protocole d’engagements réciproques entre l’Etat et les réseaux sociaux.

7) Valorisation d’une influence responsable et de l’ensemble des initiatives existantes
De nombreuses initiatives d’influence responsable, de labels, certificats et chartes se sont développées depuis plusieurs mois. Le travail de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et de l’observatoire de l’influence responsable sont ainsi mis en avant par les acteurs et les autorités en charge du suivi de l’influence.
La pédagogie de ces initiatives auprès des marques et des influenceurs permettra à l’ensemble de l’écosystème de se les approprier. La communication ministérielle et par les réseaux sociaux autour de ces initiatives va ainsi être renforcée.

Les influenceurs/créateurs de contenus sont des prescripteurs d’opinion par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ils sont parfois suivis par des millions de personnes. C’est une chance, mais c’est aussi une lourde responsabilité alors que près de 40% des personnes suivant des influenceurs auraient entre 15 et 24 ans.
Le deuxième axe de ce plan consiste donc à protéger les consommateurs, en particulier les plus vulnérables.

8) Appliquer les mêmes règles que la publicité à l’influence commerciale
La loi existante encadre déjà fortement la publicité pour certains secteurs. Cela s’explique par divers motifs d’intérêt général, comme la protection de la santé publique, des considérations déontologiques, ou encore le respect de l’environnement. Face à cela, les influenceurs se trouvaient une situation peu claire pour une partie de ces produits et services.
Cette situation était d’autant plus problématique que le public spécifique des influenceurs est plus jeune et plus vulnérable que l’audience moyenne d’autres vecteurs de publicité.
Désormais, il est clarifié que les règles qui s’appliquent aux influenceurs sont les mêmes que les autres communications commerciales sur internet, à la télévision, à la radio ou dans la rue : la promotion du tabac, de l’alcool, des actes de santé, des produits financiers, des jeux d’argent et de hasard est fortement encadrée.
En ce qui concerne spécifiquement la promotion de la chirurgie esthétique, celle-ci sera désormais interdite à l’influence commerciale, et le Parlement décidera s’il souhaite élargir cette interdiction à d’autres canaux de communication.

9) Protection de l’internaute par l’obligation de transparence des photos et vidéos retouchées
L’image déformée, souvent embellie, issue de certains filtres ou retouches, peut avoir des effets psychologiques dévastateurs pour l’estime et l’image des internautes, en particulier les plus jeunes.
Les influenceurs doivent désormais indiquer lorsque leur contenu a fait l’objet d’une retouche visant à l’affinement ou l’épaississement d’une silhouette (traitements par logiciels de retouches, filtres etc.).
Ce régime applique ainsi la règlementation pour les photographies publicitaires modifiant l’apparence corporelle des mannequins à l’influence commerciale.

10) Mise en place d’une « brigade de l’influence commerciale »
Si le droit est renforcé, il est indispensable que les autorités en charge de l’appliquer se saisissent véritablement de cette problématique et déploient les moyens en conséquence.
Une équipe dédiée est donc créée au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et prendra la forme d’un réseau d’enquêteurs spécialisés. Cette équipe, constituée dans un premier temps de 15 agents, est en charge de surveiller les réseaux sociaux, de répondre aux signalements et de prendre les sanctions adaptées. Concrètement, cette brigade pourra notamment adopter des sanctions, faire fermer des comptes, et saisir si nécessaire le juge en cas de manquement.

11) Des signalements simplifiés
Signal Conso, le site officiel (https://signal.conso.gouv.fr/) pour signaler des arnaques commerciales, va être adapté pour recevoir les signalements sur l’influence commerciale. Il va être décliné sous forme d’application mobile afin d’être davantage utilisé par le public le plus jeune.
Parallèlement, les associations de consommateurs et de victimes de l’influence vont recevoir un statut spécial, celui de signaleur de confiance, pour que leurs signalements soient traités par les plateformes et les autorités de manière accélérée.

12) Des plateformes responsabilisées et qui s’engagent
Les plateformes doivent désormais créer des dispositifs clairs et lisibles pour afficher le caractère commercial d’une publication, établir des canaux de signalement clairs et lisibles à destination des internautes remarquant une illégalité. Elles engagent ainsi leur responsabilité en cas d’inaction après un signalement ou une injonction des autorités.
Un protocole d’engagements réciproques va être signé entre les plateformes et les autorités de surveillance pour traduire dans les faits le nouveau cadre règlementaire. Il permettra une meilleure collaboration pour repérer et sanctionner, de manière concertée, les fraudes signalées ou découvertes, via un comité de suivi dédié. Une clause de rendez-vous est fixée à dans six mois pour vérifier la mise en œuvre de ces mesures.

13) Des sanctions renforcées et graduées
Le fait de ne pas signaler le caractère publicitaire d’une vidéo ou d’une photo postée par un influenceur est désormais considéré comme une pratique commerciale trompeuse. Elle est donc punie des mêmes peines, à savoir jusqu’à 2 ans de prison et 300.000 euros d’amende.
Faire la promotion d’un produit interdit ou règlementé est également puni selon les peines en vigueur dans la publicité en ligne. Le juge pourra de plus prononcer une peine complémentaire d’interdiction, définitive ou provisoire, d’exercer son activité. Cette peine pourra devenir obligatoire pour certains délits particulièrement graves.
Enfin, un nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte par les autorités permettra d’obliger l’influenceur à retirer son contenu illicite ou aux plateformes de suspendre son compte dans un prompt délai. D’autres sanctions peuvent être prononcées par l’autorité des marchés financiers (AMF) et l’autorité nationale des jeux (ANJ) selon leurs pouvoirs propres.
Le juge et les autorités de surveillance individualiseront les peines prononcées en fonction de la gravité de l’acte (le trouble à l’ordre public étant plus ou moins important en fonction de l’audience) et de la personnalité de leur auteur.

 

Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique : « nous sommes en 2023, et le secteur de l’influence commerciale et de la création de contenus n’est pas encore suffisamment pris au sérieux. C’est une erreur. Alors qu’il est un formidable vecteur de créativité et de richesse économique, ancré dans le quotidien de millions de nos compatriotes, ce secteur souffre de règles inexistantes ou trop floues. Les conséquences sont directes, avec certains agissements trompeurs qui discréditent le secteur. Je ne peux pas l’accepter en tant que gardien de l’ordre public économique.
L’influence commerciale est dans les faits une véritable filière économique. Elle doit le devenir dans le droit. Comme toute activité, il lui faut un cadre de référence pour l’ensemble de la chaîne de valeur – réseaux sociaux, influenceurs, agences, annonceurs souhaitant communiquer sur leurs marques, internautes. Sinon, ce sont les consommateurs, souvent jeunes, parfois vulnérables, et l’immense majorité de ceux qui agissent de bonne foi qui en paient injustement le prix.
Je veux être très clair : il ne s’agit pas d’être plus dur avec les influenceurs qu’avec d’autres canaux de communication comme la télévision ou la radio. Il s’agit de dire que les mêmes règles doivent s’appliquer à tous, car les consommateurs, quelles que soient leurs pratiques, doivent être protégés partout. Ce n’est pas un combat contre les influenceurs. C’est un combat pour faire de l’influence un vrai métier encadré, avec des droits et des devoirs, reconnus de tous. C’est aussi un combat pour la protection des consommateurs. Notre méthode reste la même : l’écoute avant la décision. J’ai voulu m’appuyer, comme pour la loi Pacte, sur une concertation la plus ouverte et transparente possible, afin de construire un « code de bonne conduite ». Près de 19.000 citoyens ont participé à la consultation publique ouverte au plus grand nombre, 400 professionnels ont contribué à établir 13 mesures, qui auront des effets immédiats pour accompagner les influenceurs et protéger les consommateurs.
Parce que des députés travaillaient également sur le sujet, j’ai aussi voulu dépasser les clivages. Je me suis engagé, avec les députés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, à ce que ces mesures soient présentées au Parlement dans une démarche transpartisane et étudiées dès la semaine prochaine par l’Assemblée nationale.
Ensemble, nous apporterons la clarté, la justice et la responsabilité demandées par les Françaises et les Français. »

 

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