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Éric Magamooto : lettre ouverte aux candidats à la Présidentielle 2022

5 min de lecture

Madame la candidate, Monsieur le candidat,

Vous avez déclaré votre souhait de candidature à La Présidence de La République :

Le Covid 19 a mis en lumière les dysfonctionnements de notre système de santé à la Réunion.

La situation de notre département est tragique en ce qui concerne le diabète et son évolution.

Plusieurs constats :

  1. Les Réunionnais consomment deux fois moins de fruits et de légumes qu’en métropole (9% consomment au moins cinq fruits et légumes par jour contre 20%).
  1. La part de ceux qui n’ont aucune activité physique est également deux fois plus élevée à la Réunion (14 % contre 6%). 65% des Réunionnais ne pratiquent pas de sport dans la semaine ; un l’écart significatif par rapport au national (55%).
  1. 45% des Réunionnais sont en surcharge pondérale (28% en surpoids +16% en obésité ; 14% de plus qu’en métropole).
  1. Un Réunionnais sur dix se déclare en mauvaise ou très mauvaise santé, un taux 42% plus élevé qu’au national.
  1. Quatre Réunionnais sur dix sont atteints d’une maladie chronique. Là encore, à âge égal, les maladies chroniques sont plus fréquentes à la Réunion.
  1. Un Réunionnais sur dix est diabétique, 42% de plus qu’en métropole. La maladie progresse, au rythme de 3% en moyenne ces cinq dernières années ; En deux ans, le diabète a tué 500 personnes, amputé 300 et dialysé 1800. Plus inquiétants, le nombre de diabétiques à La Réunion a fortement progressé de 12% en un an.
  1. Les spécialistes (ophtalmologues, psychiatres, gynécologues, pédiatres) sont plus rares à La Réunion. Outre leur faible densité, ils s’installent le plus souvent dans les centres-villes des grandes communes. Les temps d’accès sont alors 3 fois plus longs que pour consulter un généraliste.
  1. L’accès aux professionnels de santé est inégalitaire sur notre territoire : la situation des habitants de l’Est mais aussi des Hauts de l’île ou du Sud rural est moins favorable que dans Nord ou l’Ouest. 84 000 Réunionnais se situent à plus de trente minutes des urgences.
  1. D’ici 2050, il y aura trois fois plus de Réunionnais âgés de 75 ans ou plus, soit 40 000 personnes de cet âge qui réclame des soins accrus. De plus, il y aura trois fois plus de personnes en perte.
  2. D’autonomie (65 000). Or, il y a près de trois fois moins de lits médicalisés (35 contre 102 en métropole en 2019) et ce chiffre a diminué en 8 ans (44 en 2011).

 

Ces chiffres révèlent une contradiction. Notre santé va moins bien qu’en Métropole, alors même que nous sommes presque deux fois plus jeunes dans l’île (12% seulement ont plus de 65 ans, contre 20%). Le taux de mortalité à chaque âge est plus élevé sur l’île, et l’espérance de vie reste inférieure d’un an et demi à celle de l’Hexagone, quel que soit le sexe.

Devant ces constats, Madame la candidate, Monsieur le candidat, nous formulons 9 propositions :

  1. Régionaliser la politique de prévention en en faisant la clé de voûte de notre système de santé. C’est ici, à la Réunion, que l’ensemble des acteurs de la santé (l’État, l’ARS, la Région, le Département, les communes et les communautés d’agglomération) doivent mettre en place des actions de  prévention. En donnant la priorité à la prévention, on miserait sur l’éducation, l’information, l’accompagnement sur le terrain, le remboursement des soins préventif (yoga, cures d’amincissement, coaching, etc.), la santé des Réunionnais pourrait être transformée. En 2030, la  Réunion ne doit plus être le département le plus touché par le diabète et les inégalités de santé ne doivent plus être aussi fortes. En 2040, le rattrapage doit avoir été effectué. En 2050, nous devons être un modèle mondial en matière de prévention, un territoire de bonne santé. Des moyens doivent être mis en œuvre pour être à la hauteur de l’objectif : Réunion, Terre de Santé.
  1. Installer un comité de pilotage pour coordonner les plans d’actions stratégiques et opérationnels. Il serait composé de tous les acteurs publics mais aussi des professionnels de la santé, des représentants des malades et du monde économique (MEDEF, CPME, chambres consulaires, conseil économique social et environnemental et syndicats). Il communiquerait le bilan de ses actions en toute transparence chaque année afin de mesurer l’efficacité des actions menées. Il devra être dotée de moyens exceptionnels pour être à la hauteur des objectifs fixés.
  1. Lancer un plan d’action et de sensibilisation auprès des entreprises pour qu’elles réduisent les risques sur la santé et promeuvent les bonnes pratiques. Si la grande distribution, les magasins de détails et les stations-services jouent le jeu, elles peuvent grandement contribuer à réduire la malbouffe et à limiter le taux de sucre dans les boissons et les aliments transformés, responsables de bien des maladies. Ce plan inciterait les entreprises à entrer dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et à devenir des sociétés de mission qui intègrerait la bonne santé dans leur raison d’être.
  1. Considérer les malades comme les acteurs principaux de notre démocratie sanitaire en les impliquant dans toutes les instances décisionnelles, nationales, régionales et territoriales. Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, le citoyen peut s’affirmer comme acteur du système de santé : les droits des patients en tant qu’individu sont reconnus, mais aussi l’existence de droits collectifs exercés à travers des instances de représentation.
  1. Éliminer les discriminations sociales, notamment relatives à l’emploi, en considérant les personnes malades comme des citoyens à part entière. La voie des personnes discriminée doit s’élever, la justice doit condamner, les sanctions doivent être exemplaires, mais les entreprises peuvent aussi jouer le jeu en lançant une politique de recrutement qui favorise nos malades.
  1. Faire de la lutte contre l’obésité et le surpoids une priorité régionale. Si l’on se donne les moyens, les Réunionnais en surcharge pondérale peuvent retrouver leur poids idéal et ainsi réduire drastiquement leur problème de santé, la gravité de leur symptôme ou prévenir le déclenchement de maladie. L’on sait qu’il y a corrélation entre excès de poids et maladie en tout genre. Donc, une politique alimentaire saine reste la clé de voute de la Réunion : Terre de Santé. Il y a un plan social à mener, car ce sont souvent les plus vulnérables économiquement ou socialement qui se nourrissent et s’entretiennent le moins bien.
  1. Intégrer dans toutes les politiques publiques le concept de santé environnementale. Dans la droite ligne de l’objectif de la Commission européenne : « zéro pollution d’ici 2030 ».

 

  1. Promouvoir l’installation de spécialistes et la création de centres d’urgences de petites tailles dans les zones les moins couvertes, afin que chaque Réunionnais soit à moins de 20 minutes d’un centre de soins.
  1. Anticiper les besoins futurs en termes de santé en mobilisant les moyens nécessaires pour assurer le bon traitement des personnes les plus âgées et en perte d’autonomie. Nous avons besoin de mettre les bouchées triple, non seulement pour rattraper notre retard, pour accueillir l’augmentation des personnes de plus de 75 ans (soit un besoin de plus de 4000 lits) et prévoir une capacité supplémentaire afin de devenir une terre de santé ouvertes aux étrangers et retraités.

En cette année de campagne, la Réunion peut décider de passer du mauvais élève en matière de santé à celui de modèle d’ici 2050. Une population qui mène une vie saine, non seulement est plus heureuse, mais coûte aussi moins en termes de soins de santé. Devenir un modèle est donc à la fois une nécessité et une opportunité en ces temps de crises. C’est une source d’emploi estimé à plusieurs dizaines de milliers d’ici 2050. En menant une politique forte, la santé pourra devenir un des piliers de l’avenir de notre île.

 

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