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Huguette Bello : « La Région Réunion lé inn kolèktivité biling kréol rényoné-fransé »

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Cliquez sur le lien ci-dessous pour découvrir « la Charte de la collectivité bilingue créole Réunionnais-Français » qui a été signée ce mardi 25 octobre par la présidente de Région Huguette Bello et découvrez ensuite le discours qu’elle y a prononcé :
Crédit photos : service Com’ de la Région Réunion.

Huguette Bello : « parmi les droits culturels il y a le droit à la langue maternelle »

« Mesdames et Messieurs,
Récemment, le CCEE (conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement) a initié un Ronn kozé sur les « droits culturels à La Réunion ». Ce sujet des « droits culturels » a une résonnance particulière dans notre île où la lutte pour la défense des droits culturels a été le fil conducteur de notre Histoire.
Toute l’histoire de La Réunion est celle de violences fondatrices et d’écrasement des droits inhérents à la personne humaine et parmi ces droits, il y a « les droits culturels ».
Pendant près de 3 siècles, soit 283 années exactement, nous avons vécu dans le monde colonial, connu l’esclavagisme, l’engagisme, vécu selon les règles de la société de plantation qui ont façonné la société réunionnaise.
Mais ce qui a surtout façonné la société réunionnaise, c’est le courage de ces femmes et hommes, qu’on a dépouillés de leur nom, de leur identité culturelle et qui ont eu la force de transmettre leurs pratiques culturelles et cultuelles et de bâtir, dans l’adversité, un patrimoine matériel et immatériel qui fonde l’identité réunionnaise.
A cette lutte pour les droits culturels menée pendant la période coloniale a succédé celle menée après la départementalisation, votée il y a 76 ans, il s’agit bien de la lutte contre le système assimilationniste qui a également façonné la société réunionnaise.
Pendant des années, La Réunion a subi des politiques culturelles postcoloniales «assimilationnistes», conduites par un jacobinisme parisien, qui ne portait pas attention aux réalités locales et à l’égale dignité de chacun face à sa véritable histoire. Des pans entiers de notre vécu, de notre parler, de notre environnement géographique indian-océanique ont été réprimés, interdits, méprisés et non valorisés, avec souvent la mise en œuvre de politiques publiques aliénantes. Contre cette volonté d’assimilation qui écrasait nos droits culturels, s’est dressée ce qu’Alain Lorraine a nommé « la culture de la nuit », cette culture populaire souterraine, cette culture présente dans les rites, les kabar, les contes, les Kriké Kraké, la langue…
Cette culture a perduré grâce au courage de ceux qui, aujourd’hui encore, luttent pour le respect de leurs droits culturels.
Ces luttes ont façonné La Réunion. Elles ont façonné notre vision du monde. Celle-ci dépasse nos frontières géographiques et s’élève vers l’universel.
L’universalité des droits ne constitue pas une arme contre la diversité culturelle, pas plus que la diversité culturelle n’est une arme contre l’universalité.
La Réunion en est l’illustration car l’identité réunionnaise s’est bien formée par la créolisation des cultures issues de l’exil à contre-courant du communautarisme, de l’enfermement dans une culture ou une civilisation originelle.
Nous sommes comme l’a écrit le poète réunionnais Alain Lorraine « L’île “de mille parts”, ces «mille parts» venues d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’ailleurs pour composer la “ subtile convergence réunionnaise”, la société réunionnaise, qui se caractérise par la pluralité des rites et des croyances et l’unité dans le respect de la différence.
Nous prétendons à des droits culturels et au respect de nos droits culturels car cette prétention procède de la condition humaine, et en particulier de la façon dont nous existons culturellement.
Ces droits concernent d’abord la culture à laquelle les Réunionnais prétendent légitimement accéder par l’éducation et la participation aux activités culturelles. Ces droits concernent également les cultures à partir desquelles les Réunionnais peuvent s’ouvrir au monde.
Accéder au mieux et au plus, pour chacun et pour tous, à nos droits culturels, ancrer la culture au cœur des politiques de développement de notre île, est le seul moyen de réaliser un développement centré sur l’humain, inclusif et équitable.
Parmi les droits culturels il y a le droit à la langue maternelle.
Nous le savons, le patrimoine linguistique mondial est confronté à une crise tout aussi grave que celle que connaît la biodiversité puisqu’on sait que 25 langues minoritaires s’éteignent chaque année, puisqu’on estime que la moitié des 7 000 langues recensées aujourd’hui dans le monde aura disparu à la fin du siècle.
Ce constat est accablant. Il peut aussi être décourageant.
Mais il nous interdit de céder au fatalisme surtout si l’on se réfère au grand linguiste Claude Hagège, qui dans son livre Halte à la mort des langues nous rappelle que «défendre nos langues et leur diversité notamment contre la domination d’une seule, c’est plus que défendre nos cultures, c’est défendre nos vies. »
Au monolinguisme imposé partout, à cet exclusif linguistique se sont surajoutées, pour nous, les structures de domination modelées par la colonisation et l’assimilation qui ont relégué les langues créoles et les langues premières dans le dénigrement, dans l’auto-dévalorisation, dans le fénoir. Les conséquences pour les individus comme pour les peuples sont connues. Empêcher la langue, c’est rendre l’identité impossible.
Ce refus historique de reconnaître les langues régionales laisse des traces. Il arrive aussi qu’il se réactualise par des voies détournées. Ainsi dans l’ordre juridique.
Depuis 1992, la Constitution à travers son article 2 affirme à nouveau clairement la prééminence du français. Il s’agissait alors (Traité de Maastricht oblige) de prémunir la France contre l’emprise grandissante de l’anglais. Mais c’est sur le fondement de cet article que l’enseignement bilingue a été à plusieurs reprises censuré. Et face à cela, inutile de brandir le bienvenu mais symbolique article 75-1 selon lequel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
De même, près de trente ans après sa promulgation en 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’est toujours pas ratifiée par la France qui est pourtant le pays européen qui connaît la plus grande diversité linguistique.
Le paradoxe devient encore plus intenable quand on sait que depuis 1993, tout pays souhaitant adhérer à l’Union est sommé de ratifier ce texte.
Le temps de la ratification est venu. C’est une question de rayonnement pour la France et de crédibilité dans sa défense pour la diversité linguistique et culturelle à travers le monde.
Elle constituerait aussi un puissant accélérateur pour la dimension scolaire et éducative, pilier de la sauvegarde et de la promotion des langues régionales.
Certes, il y a eu quelques intéressantes avancées juridiques. Il y a eu surtout, en mai 2021, l’adoption de la loi Molac sur la protection patrimoniale et la promotion des langues régionales.
Il s’agit, depuis la loi Deixonne de 1951 qui autorise un enseignement facultatif dans des langues, de la première loi consacrée aux langues régionales. Les propositions n’ont pourtant pas manqué sous la Vème République (une cinquantaine) mais c’est pour l’heure le seul texte adopté sur le sujet, non sans difficultés, non sans opposition ni rebondissement.
Si le climat s’est apaisé et s’il est de plus en plus admis que la promotion et l’enseignement des langues régionales ne s’oppose pas, bien au contraire, ni à la réussite scolaire ni à la maîtrise du français ni à l’apprentissage des langues étrangères, il faut encore convaincre. Convaincre les pouvoirs publics, convaincre les médias, convaincre les parents, bref que chacun ait la conscience aiguë de la richesse du multilinguisme et des potentialités d’épanouissement dont il est porteur.
Terre plurilingue où plusieurs langues ont toujours cohabité malgré les obstacles et les fallacieuses hiérarchisations, terre où le créole est parlé par la grande majorité de la population, la Région Réunion est particulièrement honorée de signer la Charte bilingue de Lofis la lang.
Elle est dans son rôle ! En effet, les articles L.1111-4 et L.4221-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), attribuent au Conseil régional compétence « pour promouvoir le développement (…) culturel (…) de la région (…) ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales ».
La Région est donc un interlocuteur privilégié du ministère de la Culture dans le domaine de la politique linguistique conduite au niveau territorial, compte tenu de ses compétences, en ce qui concerne le développement économique, social, culturel, scientifique et touristique du territoire, la formation professionnelle et la promotion des langues régionales et nous le savons, le créole réunionnais est reconnu comme une langue régionale depuis la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000.
La Région Réunion se réjouit de votre présence nombreuse pour la signature de cette charte qui contribue à la pleine reconnaissance du créole réunionnais pour la mise en œuvre d’un bilinguisme harmonieux, vecteur de cohésion sociale.
Je tiens à remercier chaleureusement l’ensemble des partenaires et des acteurs qui œuvrent pour la langue créole qui nous relie et nous constitue. Je veux vous saluer personnellement pour votre engagement.
Je terminerai par ces mots : Il n’y a pas de langue inférieure : toutes les langues sont belles et égales. »
Huguette BELLO, Présidente de la Région Réunion.

Yves Mont-Rouge

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Téléphone : 0692 85 39 64

8 Commentaires

  1. ou na raison madame bello et monsieur ti queue…. il faut enlever de notre vocabulaire tous les mots français qui composaient notre langue créole . .. sans rire madame bello est ce que vos garçons y causent créole….. mi croit pas…. alors faut arreter zak y ve cause créole y fait mais arrete de dire qu’il faut que dans les administrations tout l’est en créole. a ce moment là…. faut bien zot y occupe àzot mais quand meme avec le député de pacotille que ou l’a fait élire faut réfléchir à des choses sérieuses pour relève notre jeunesse que l’est de plus en plus à la dérive au lieu de mettre à zot un peu plus la tete sous l’eau. c’est la méthode Vergès et ou voit ou ça la Réunion y l’est

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