Insuffisance rénale : un nouveau modèle intégratif et dynamique de prédiction de la perte du greffon

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Pour les individus en insuffisance rénale terminale, la greffe du rein est le meilleur traitement. Compte tenu de la pénurie d’organes dans le monde, le rejet et la perte du greffon sont considérés comme de véritables échecs.

Dans une étude publiée le 27 octobre 2021 dans la revue The Lancet Digital Health, une équipe de recherche présente ses travaux qui ont permis de mettre au point un nouveau modèle de prédiction de la perte du greffon avec des performances de prédiction encore jamais atteintes.

Ce modèle a abouti au développement d’un logiciel qui dotera les cliniciens d’un nouvel outil prédictif, intégratif et dynamique, pour orienter au mieux le choix thérapeutique pour leur patient. Cette étude a été conduite par le Professeur Alexandre Loupy, PU-PH Université de Paris et le Docteur Marc Raynaud, chercheur Inserm, au sein du centre de recherche translationnelle sur la transplantation d’organes de Paris (Université de Paris, Inserm, Sorbonne Université, Hôpital Necker-enfants malades AP-HP).

Dans les traitements des maladies rénales, le rejet et la perte du greffon rénal représentent un fardeau considérable et contribuent au nombre grandissant des 7 millions de personnes en insuffisance rénale terminale.

Pour cette raison, des agences de santé majeures telles que la Food and Drug Administration aux États-Unis, ou l’Agence Européenne du Médicament, ont souligné qu’il était crucial de développer un modèle de prédiction du risque de perte du greffon, ce qui permettrait aux cliniciens de prendre des décisions en fonction des prédictions du modèle, d’adapter les traitements des receveurs de reins, et ainsi assurer que ces derniers conservent leurs reins le plus longtemps possible.

Le développement d’un tel modèle se heurtait à une difficulté majeure : les profils très différents des patients et les nombreux paramètres pouvant provoquer la perte du greffon.

Les auteurs de l’étude ont donc abordé ce travail en constituant des bases de données comprenant des milliers de patients, avec pour chacun d’entre eux un grand nombre d’informations, afin d’appliquer à ces données des méthodes statistiques robustes et ainsi développer un puissant modèle de prédiction.

Face à la nécessité de gérer des données très diverses et d’utiliser des méthodes statistiques parfois complexes, un consortium international a été créé avec des experts aux profils variés, incluant des néphrologues, des épidémiologistes, des immunologistes mais aussi des statisticiens et des mathématiciens.
 
« L’expertise générale de notre consortium tient aux compétences variées et complémentaires des chercheurs, médecins et statisticiens qui le composent » indique le professeur Alexandre Loupy, principal auteur de l’étude, « Cette multisciplinarité, inhabituelle en recherche, est pourtant d’un grand avantage, car nous pouvons facilement solliciter tous les interlocuteurs nécessaires aux différentes étapes du projet. Grâce à cela, nous sommes dans une effervescence intellectuelle constante, propice à la recherche médicale. »

Alors que les précédents modèles prédictifs s’appuyaient sur des paramètres ponctuels, pour la première fois, cette étude conduite sur plus de 13 000 patients en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud, a intégré, sur une dizaine d’années, pour chaque patient plus de 80 paramètres mesurés, dont des paramètres répétés dans le temps. Ces derniers, bien que difficiles à intégrer statistiquement, permettent de prendre en compte la trajectoire de chaque patient et ainsi de mieux traduire son pronostique, assurant l’utilité du modèle en pratique clinique. En conséquence, le consortium a opté pour une approche dite intégrative et dynamique, considérant une grande diversité de paramètres. Ce sont donc plus de 400 000 mesures de paramètres répétés dans le temps qui ont été collectées, et qui ont permis au consortium de tester de nombreux modèles intégratifs et dynamiques afin d’obtenir les meilleures performances de prédiction, à savoir le modèle prédisant de la manière la plus précise possible le risque qu’un patient perde son greffon et doive retourner en dialyse.

Après des mois de recherche, leur verdict est sans équivoque : les performances de prédiction de leur modèle final, intitulé DISPO (dynamic, integrative system for predicting outcomes in kidney transplantation), sont les plus hautes jamais atteintes en transplantation rénale.

Parallèlement, cette cohorte de patients transplantés, unique dans le monde, a permis d’inclure dans le modèle les différences de pratiques cliniques et de populations entre les hôpitaux et les pays, ce qui est un atout majeur que les précédents modèles n’intégraient pas, freinant alors leur validation et leur utilisation à large échelle.

« Les méthodes computationnelles que nous avons utilisées étaient très complexes et gourmandes en termes de temps de calcul, ce qui nous a obligé à nous doter d’ordinateurs puissants adaptés » souligne le docteur Marc Raynaud, épidémiologiste et premier auteur de l’étude « d’autant plus que la prochaine étape est d’intégrer de nouveaux paramètres au modèle, notamment des paramètres liés aux anticorps du receveur qui attaquent le greffon, afin d’augmenter les performances de prédiction. »

Le modèle de prédiction mis au point, est aujourd’hui validé dans un grand nombre de scénarios cliniques, ce qui le rend particulièrement pertinent dans la plupart des situations cliniques auxquelles patients et cliniciens sont confrontés. Il devrait donc permettre aux cliniciens d’améliorer et de faciliter leurs prises de décisions, et ainsi de mieux suivre et traiter les patients transplantés. Ce modèle, universel puisque validé dans plusieurs pays et continents, sera, à terme, déployé, via un logiciel dans les hôpitaux de plusieurs pays.

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