Karine Lebon intervient à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de protection des mineurs des crimes sexuels (n°3939)

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Lors de la discussion générale sur cette proposition de loi, la députée réunionnaise Karine Lebon a pris la parole ce 15 mars 2021.

Voici retranscrite son intervention.

« Douloureuse à tous égards, la question des crimes et délits sexuels contre les mineurs est également complexe et nous devons concilier émotion légitime, aspiration citoyenne et technique juridique  si nous voulons adopter un texte fondateur sur la protection des plus jeunes contre ce fléau trop longtemps ignoré.
J’ai la conviction que, dépassant nos clivages, nous pouvons y arriver et que cette loi pourrait constituer un remarquable pas en avant. J’émets donc le souhait que cette nouvelle séance soit l’occasion de renforcer certaines dispositions et d’en évoquer de nouvelles jusqu’ici impensées.

Les débats des semaines précédentes ont déjà permis de réelles avancées. Le seuil de 15 ans assurera une plus grande protection des mineurs dont le consentement ne sera dorénavant plus recherché. L’interdit posé est clair. Il s’impose à tous. Un enfant qui se construit est vulnérable. La loi doit protéger cette fragilité si particulière.
De même, la question de l’inceste apparait enfin au cœur de nos travaux.
Comme le crime et le délit sur mineur de 15 ans, l’inceste deviendra aussi un crime et un délit autonomes et non plus une surqualification pénale. Répondant à une forte attente, le seuil de non consentement sera fixé à 18 ans. 15 ans, 18 ans : à eux seuls, ces deux seuils légaux révèlent combien le regard de notre société a profondément évolué sur les violences sexuelles subies par les enfants. Pendant longtemps ces violences ont été minorées et passées sous silence. Sans compter la folle croyance de ceux qui considéraient que les enfants
étaient en capacité dès leur plus jeune âge de s’ouvrir à une sexualité consentie avec des adultes. A nous de prévenir, à nous de veiller à ce que, plus jamais, une telle régression des mentalités ne soit permise.

Le handicap et l’activité sexuelle

Cette proposition de loi présente malheureusement quelques lacunes. Un tabou persiste dans notre société, celle de la sexualité des personnes atteintes d’un handicap et des agressions dont elles sont les victimes. C’est un impensé. Et force est de constater que, pour l’heure, ni nos débats ni ce texte ne contredisent cet état de fait. Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la santé, les mineurs
porteurs d’un handicap ont près de trois fois plus de risques d’être victimes de violences sexuelles Ce chiffre grimpe à 4,6 fois plus lorsqu’il s’agit d’un handicap mental. Pour les femmes autistes, les chiffres sont édifiants. Elles sont
88% à avoir été victimes de violences sexuelles dont un tiers avant l’âge de 9 ans. Je continuerai donc à défendre un amendement posant un interdit entre un mineur atteint de handicap et une personne majeure. Je souhaite qu’à une vulnérabilité accrue nous répondions, dès à présent, par une mesure de protection renforcée.

Une inquiétude persiste également sur la disposition relative à l’écart d’âge de cinq ans entre un mineur et un jeune adulte. Loin de vouloir criminaliser, ce que vous avez appelé M. le Ministre, dans une formule qui a déjà fait florès, « les amours adolescentes », nous nous interrogeons encore sur les failles que cette dérogation pourrait entrainer.

Le texte est, pour l’instant, muet sur la prostitution des mineur.e.s alors que ce phénomène prend une ampleur considérable dans notre pays. L’Office central pour la répression de la traite des êtres humains évoque une explosion des victimes mineures de 600% entre 2014 et 2020. De nombreux magistrats tirent le signal d’alarme. Nous devons les entendre et agir dès à présent pour protéger
les jeunes victimes de l’horreur du système prostitutionnel.

Par ailleurs, même si elles ne relèvent pas forcément de la loi, les mesures de prévention et de sensibilisation auprès des personnels enseignants, des éducateurs et des soignants doivent, d’ores et déjà, faire l’objet d’engagements
forts. Nous avons bien sûr noté la volonté présidentielle pour une réelle sensibilisation des enfants ainsi que la mise en œuvre, dès la prochaine rentrée scolaire, d’un repérage systématique des violences dont ils peuvent être victimes. La programmation de ces actions mobilisera toute notre vigilance.
Dans la même logique, le temps est venu d’associer la société tout entière à la lutte contre les violences sexuelles sur les enfants. Attribuer un statut officiel aux Journées de novembre qui, à l’échelle européenne et internationale, sont dédiées à l’abolition des violences sexuelles contre les enfants, pourrait assurément y contribuer.
Chers collègues, ce texte est très attendu. Il s’inscrit dans un contexte particulier où la parole des victimes se libère et où elle est enfin accueillie, où la honte est en train de changer de camp, où le sentiment de culpabilité ne paralyse plus les victimes. La loi qui sera adoptée doit être à la hauteur de ces évolutions salutaires et courageuses. Elle devra répondre pleinement aux espoirs suscités » concluait hier soir Karine Lebon.

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