La nomination de Mehdi Boukerrou à la tête du CNFPT fait polémique : il démissionne

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Suite à la polémique autour de sa nomination au poste de directeur de la Direction Régionale du CNFPT de La Réunion, Mehdi Boukerrou démissionne. Dans un communiqué, la CNFPT déclare : « je pensais que travailler et habiter sur une île dont les réunionnais incarnent si bien la richesse de la diversité, y être engagé professionnellement et familialement, pouvait permettre de se prévaloir comme légitime dans un poste à responsabilité, dès lors que le principe d’égalité de traitement des candidats était strictement respecté. Cela ne me semble pas contraire à l’objectif de promotion des compétences des agentes et agents réunionnais, qui pour être durable, ne doit en aucun cas se fonder sur des principes discriminants.

Mais lorsqu’un débat politique, dans un contexte conjoncturel que je n’ignore pas, laisse la place à une campagne nauséabonde, ciblant personnellement le candidat pressenti, et colportant de fausses informations,, retentissant sur sa famille, j’estime que des limites sont franchies, des limites qui fondent notre République, et qui vont à l’encontre de mon engagement au CNFPT.

Je prends donc acte de la décision de retrait de Monsieur Mehdi BOUKERROU et lui souhaite, malgré le contexte compliqué du moment, pleine réussite dans la poursuite de sa carrière à la Réunion, où il réside et exerce avec succès les fonctions de directeur adjoint, secrétaire général de la DIECCTE. Je ne doute pas que les qualités que j’avais appréciées lui permettront d’y faire face et je lui apporte tout mon soutien ainsi qu’à sa famille. »

Le TCO souhaite que la nomination du futur directeur soit conforme aux critères ayant prévalu jusqu’à maintenant

Dans un communiqué, le TCO s’exprime à ce sujet : « Réunie ce jour sous la présidence d’Emmanuel Séraphin, la conférence des maires des communes membres du TCO a tenu à exprimer sa position sur la question de la nomination du futur directeur régional du CNFPT. Le CNFPT est une instance importante pour les collectivités locales ; il a en effet en charge la gestion des carrières et la formation des fonctionnaires territoriaux. Le personnel du TCO et des communes membres est donc directement concerné. Depuis plusieurs années, la direction de la délégation de La Réunion du CNFPT est assumée par un cadre issu de la fonction territoriale de La Réunion, ayant une connaissance parfaite des problématiques locales, et répondant parfaitement aux critères de grade et de compétences requis.

La volonté du président du CNFPT national de nommer, sans concertation avec les acteurs locaux, une personne n’ayant jamais exercé dans la fonction publique territoriale à La Réunion, constitue une rupture avec ce qui prévaut jusqu’à présent et n’est pas de nature à garantir la cohésion au sein de cette instance.

Une telle nomination prise unilatéralement ne peut susciter qu’incompréhension et réprobation. Une totale transparence est indispensable.

Le TCO et ses communes membres prennent acte de la décision de retrait de l’intéressé, et souhaitent que la nomination du futur directeur soit conforme aux critères ayant prévalu jusqu’à maintenant et soit de nature à assurer le climat de sérénité nécessaire au bon fonctionnement du CNFPT-Délégation de La Réunion.

Démission de Mehdi Boukerrou : réaction de Ericka Bareigts

Je prends acte de la démission de Monsieur Mehdi Boukerrou au poste de Directeur régional du CNFPT de La Réunion.

J’exprimais, il y a quelques jours, avec de nombreux élus de l’île, mon étonnement et mon opposition à une nomination décidée par des instances nationales, sans que ne soient valorisées les compétences locales ni la connaissance des spécificités de notre territoire, pourtant au coeur des missions du CNFPT.

À travers un engagement de longue date, je mène un combat pour que les Réunionnaises et les Réunionnais bénéficient d’une égalité d’opportunités, de formations qui leur offrent des gains de compétences et que celles-ci soient valorisées dans leurs parcours professionnels. Le CNFPT doit, selon moi, y prendre toute sa part et offrir aux habitants de l’île cette perspective : cette nomination était dès lors un mauvais signal.

J’appelle les instances nationales du CNFPT à davantage associer les élus locaux au processus de désignation des instances locales : une consultation permettrait une meilleure prise en compte des spécificités de notre territoire et participerait au développement de l’encadrement local.

Renforcer les compétences et développer l’encadrement local est un axe fort de la loi Égalité réelle Outre-mer : plusieurs dispositifs y concourent aujourd’hui dans les territoires ultramarins. Ensemble, mobilisons-nous pour former les personnes aux compétences et responsabilités nécessaires pour construire l’avenir de La Réunion, et valorisons les comme il se doit : c’est là le fondement de l’épanouissement professionnel de chacun et de l’égalité républicaine.

Réaction de Jean-Hugues Ratenon : « je salue sa décision »

Le 30 mars dernier, j’avais exprimé mon indignation concernant la nomination depuis Paris, du directeur du CNFPT de la Réunion. Encore une fois, alors que les réunionnais sont de plus en plus formés, alors que beaucoup peuvent accéder à des postes à responsabilités, le réseau allait priver un (e) réunionnais (e) d’évoluer professionnellement.

Dans mon communiqué j’avais demandé à Monsieur Mehdi Boukerrou de faire marche arrière par respect envers les réunionnais et ceux qui s’investissent pour acquérir des compétences. Et j’apprends ce jour qu’il démissionne de son poste et je salue sa décision. Son retrait est le résultat d’une mobilisation réunionnaise (CREFORM, politiques, syndicalistes, société civile), ce qui fait notre force aujourd’hui.

Maintenant, c’est à nous réunionnais d’en tirer les enseignements et de faire le constat que lorsqu’on se mobilise et quand on est ferme sur nos positions, on arrive à se faire entendre. Comme je l’ai dit aussi dans mon communiqué du 30 mars dernier, les réseaux de préférence métropolitain à l’emploi et à l’évolution de carrière doivent cesser car cela contribue fortement à détruire la cohésion et le vivre ensemble sur notre territoire.

Il est de notre devoir, nous réunionnais et représentants des réunionnais, de défendre les intérêts de la Réunion dans un esprit de liberté, d’égalité et de fraternité.

Concernant les propos du président du CNFPT Francis Deluga, à mon sens on n’a pas de leçon à recevoir de quelqu’un qui depuis Paris considère que nous avons mené une « campagne nauséabonde », « fondée sur des principes discriminants », « que les limites sont franchies, des limites qui fondent notre République ». Des propos qui démontrent que le Président du CNFPT a pété un câble face à la résistance des réunionnais qui refusent l’injustice, contraire justement aux valeurs de notre République.

Tous français a le droit de travailler à la Réunion, mais dans le strict respect de l’égalité des chances.

Jean-François Nativel exprime son soutien à Mehdi Boukerrou

À travers un communiqué, Jean-François Nativel lui exprime son soutien face à « la campagne de lynchage indigne qui l’aura conduit à démissionner » :  » Nous sommes tous POUR la préférence régionale à compétence égale, mais nous ne pouvons pas cautionner le fait que le secteur de l’accession à l’emploi se transforme en terrain de chasse aux non-réunionnais. Chaque embauche d’un « zoreil », à fortiori sur un poste à responsabilités, se transforme désormais en polémique d’ordre ethnique, dans une île qui semble compter 850 000 DRH et procureurs virtuels. Face à ce constat, nos grands élus de gauche comme de droite surfent sur cette vague populiste à travers une surenchère de communiqués, exprimant bien plus leur irresponsabilité qu’une sincère indignation. À l’inverse, le vivre-ensemble de plus en plus menacé ces dernières années par les dérives identitaires n’amène de leur part aucune réaction… qui ne dit mot consent.

La Réunion explose les taux de pauvreté car le chômage y est endémique. L’emploi de ce fait est légitimement au cœur de toutes les préoccupations. Je ne connais pas Medhi Boukerrou, celui dont la nomination à la tête du CNFPT Réunion est présentée partout comme une insulte aux compétences locales. En consultant sur Internet son pedigree, je constate qu’il a (juste) fait Sciences-po ainsi que la prestigieuse école d’HEC, et comme si ce n’était pas assez, il est également diplômé de l’Institut National des Études Territoriales, la plus haute école de la fonction publique dont on venait de lui confier la branche réunionnaise. Enfin il était précédemment vice-président de la DIECTTE à la Réunion, un organisme en charge de la formation et de l’emploi. Un tel CV ne pourrait pas nous amener à penser que l’embauche de M.Boukerrou présente un intérêt pour notre territoire ? Qu’importe ! La campagne de lynchage dont il fait aujourd’hui l’objet l’amène à démissionner et à quitter l’île. À qui le tour maintenant ? Cette nouvelle victoire ne va faire que renforcer la mouvance qui instrumentalise la préférence régionale à des fins peu glorieuses. Et on ne doute pas que son successeur renverra l’ascenseur à ceux qui lui ont fait place nette.

Certains observateurs, eux-mêmes à la botte d’un clan, font état du fait que sa nomination serait « politique », comme si celui qui le remplacera ne sera pas le bon soldat d’un parti. Tout le monde omet soigneusement de mentionner dans ce dossier que la tête du CNFPT est un poste éminemment stratégique, dans une île où l’embauche territoriale de copinage est depuis longtemps la plus puissante des armes politiques.

A côté de tout ce cirque électoraliste, on aimerait que nos grands élus aient aussi le courage de dénoncer les emplois de complaisance dans les collectivités, qui plombent le fonctionnement de nos institutions locales. Qui ne connaît pas des cadres ou chefs de service écrivant papa avec trois « p », avec pour seul diplôme leur fidèle militantisme ? Combien de personnes influentes dans des quartiers, de sportifs bien-aimés, sont embauchés pour services rendus, ou pour verrouiller leur adhésion ?

L’autre fois en campagne je croisais une personne qui, en m’invitant chez elle, m’expliquait fièrement qu’elle avait obtenu son travail, sa titularisation et même son terrain grâce au maire ! Combien de militants fidèles ont bénéficié de largesses de ce genre aux quatre coins de notre île ? Et cette situation connue de tous ne choque surtout pas nos élus, alors qu’elle est pourtant bien plus préjudiciable que l’embauche de personnes extérieures avec des compétences reconnues.

Un fin stratège d’un bord politique me parlait l’année dernière de leur force dans les urnes car avant chaque élection ils ciblent les chefs de famille créoles. Le fait d’être créole est un critère absolu dans l’embauche de complaisance et autres pots-de-vin. Il m’expliquait pourquoi : « une famille créole c’est minimum 5, 10, 20 voix et plus pour une élection, alors qu’une famille zoreil c’est 3 ou 4 voix maximum ».

Combien de Réunionnais et de non-Réunionnais n’obtiennent jamais de réponse lorsqu’ils candidatent à des postes territoriaux, qui apparaissent brièvement pour la forme à Pôle emploi ? Ces milliers d’emplois réservés à la famille, aux copains et coquins, sont utilisés depuis des décennies pour garder le peuple sous contrôle dans la perspective des prochaines élections.

Jamais vous ne verrez nos grands élus dénoncer cela : ils ne sont pas assez fous pour scier la branche sur laquelle ils sont assis. Et que dire de ces dizaines de jeunes loups opportunistes qui, malgré une scolarité poussive, ont su se placer dans des cabinets ou à la tête d’institutions juste par connivence politique, sans jamais avoir fait leurs preuves dans le cadre d’une profession ?

Comme je disais à quelqu’un qui n’appréciait pas mon positionnement, et pour pousser son raisonnement jusqu’au bout, qu’il refuse alors de se faire soigner par un médecin spécialiste zoreil, et qu’il refuse de se faire opérer par un chirurgien « étranger » dans ce cas !` Car leurs critiques ne résistent pas à la réalité, et bien souvent lorsque le choix est libre, par exemple comme dans celui d’un avocat, les mêmes grands élus s’empressent de solliciter les ténors du barreau parisien pour leur sauver la peau, notamment d’ailleurs dans les innombrables affaires d’emplois fictifs où ils sont mis en cause. Pas folle la guêpe… Un des plus grands problèmes de la formation et de l’emploi à la Réunion c’est bien la médiocrité entretenue par nos politiques au sein de la population locale ! Une situation qui conduit des générations sacrifiées à croire que l’obtention d’un « petit contrat » de complaisance serait préférable à une formation digne et diplômante… que le fatalisme, le copinage et la facilité seraient préférables à la confiance en soi, au mérite et au travail…

NB : Je me permets d’évoquer 2 autres affaires récentes afin de compléter mon propos.
-La Réunion connaissant en ce moment un besoin urgent d’infirmiers, l’Autorité sanitaire en a fait venir une trentaine en renfort de métropole pour soigner les Réunionnais. Hébergés à l’hôtel, ils sont très rapidement devenus la cible d’accusations sur les réseaux sociaux qui les présentaient comme des « touristes en vacances »… avant de se retrouver au cœur d’une polémique selon laquelle « on a fait venir des zoreils (infirmiers) pour voler le travail des Réunionnais ». Face à cette situation hallucinante, ils auraient reçu pour consigne de vivre cachés et de se faire servir leurs repas dans leur chambre.
– Il y a deux jours, n’a-t-on pas vu un influenceur « réunionnais amoureux de la nature réunionnaise » s’offusquer du fait que 2 zoreils ont été recrutés (et rémunérés) au sein d’une association protégeant les lézards de Manapany. Qu’importe si un commentaire éclairant ce débat lui indiquait que dans une formation locale en écologie, on ne comptait que 5 Réunionnais parmi les 20 inscrits ! Car s’il y a un domaine dans lequel nous sommes bien moins représentés, c’est bien celui de la protection de l’environnement et des animaux, où
l’on retrouve essentiellement des bénévoles « zoreilles ». Il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer à ce niveau le plus grand engagement du public métropolitain, plus sensibilisé à la protection de la nature, avec plus de temps disponible car bien moins accaparé par des problématiques sociales. Lorsque j’organisais des nettoyages de plages, 70 à 80 % des personnes qui répondaient à l’appel étaient des non-Réunionnais, alors qu’ils représentent à peine 10 % de la population. Comment dans ces conditions oser cracher sur ceux qui s’investissent pour protéger notre patrimoine, alors même que nous ne nous bousculons pas pour le faire ? »

9 Commentaires

  1. Il faut que nos élus(es) de droite comme de gauche cessent de critiquer le RN . Il est désolant de constater que le racisme prends racine sur notre île. Notre semblant de vivre ensemble se fissure de plus en plus ,il n’y a qu’à lire certains commentaire sur les français d’originaire de Mayotte qui vivent ici.

  2. Il ne manquait plus que le TCO : de l’art d’arriver après la bataille,
    en plus c’est idiot pourquoi le TCO et les communes, ce serait plutôt les intercommunalités et les communes, il faut penser au delà de son nombril, à moins que cette formule cache quelque chose…

  3. Ce que l’on remarque dans cette affaire, c’est que la plupart des élus de l’île sont avant tout adeptes de la « préférence pour leurs militants et leurs familles », bien plus que pour une préférence régionale.
    Merci à M.Nativel d’avoir le courage de dénoncer le système de magouilles en place !

  4. Apparemment, Monsieur Nativel est la seule personnalité réunionnaise à avoir retenu que la préférence régionale est anticonstitutionnelle.
    Seules les Collectivités d’Outre-Mer sont autorisées à mettre en œuvre la préférence régionale.
    Et dire ce ces mêmes personnes qui prônent la préférence régionale combattent la préférence nationale.

    PS : aucune insulte dans mes propos, juste une constatation.

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