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Macron rempile à l’Elysée ; Le Pen s’installe dans les régions « ultra-marines » où s’exprime un vote de colère et de ras-le-bol citoyens

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Trois faits historiques à noter au terme de ce second tour de la présidentielle de 2022. Le premier : c’est la première fois qu’un Président de la République est réélu à son poste, sans passer par une cohabitation. Le deuxième : c’est la première fois que, grâce à Marine Le Pen, le Front national dépasse la barre des 40% en France. Le troisième : c’est la première fois que la grande majorité des Outre-mers plébiscite l’extrême droite. Et, enfin, cela n’était pas arrivé depuis très longtemps à une présidentielle, un peu plus de 28% des électeurs ont boudé les urnes lors d’une présidentielle en France.

On pourrait dire sous forme de boutade que les Outre-mer sont plus que jamais des régions ultra-marines ». « Marine » comme le prénom de Mme Le Pen ; Marine comme la couleur de la nouvelle carte électorale des différentes régions au soir de ce scrutin. A commencer par notre île, La Réunion, où toutes les communes ont rejeté en bloc la candidature d’Emmanuel Macron et ce, en dépit des consignes des vote, des maires et d’autres élus dont la grande majorité ont appelé, entre les deux tours, « à faire barrage à l’extrême droite » et donc « à voter en faveur du front républicain ».

Les électrices et électeurs – pas très nombreux globalement – qui se sont déplacés jusqu’aux isoloirs, ont ainsi envoyé royalement paître les donneurs de consignes en coulant le bulletin Le Pen dans l’urne. Ont-ils réellement voté pour Marine Le Pen ou plutôt contre Emmanuel Macron ? Avant même de tirer les grands enseignements, parlons d’abord du taux d’abstention : 53% en Guadeloupe ; 55 % en Martinique ; 61% en Guyane ; 65% en Nouvelle-Calédonie ; 55% à Mayotte ; 58% en Polynésie française ; 43% à St-Pierre-et-Miquelon ; 62% à Saint-Martin/Saint-Barthélémy, 39% à Wallis et Futuna. Sans compter les 28% en France métropolitaine. A la Réunion, le taux d’abstention est également élevé :

Les citoyens boudent de plus en plus les urnes. Et ceux qui se déplacent, le font dans un but très précis, à savoir exprimer un vote de contestation, de colère, de sanction au pouvoir en place. C’est très caractéristique de ce qui s’est passé Outre-mer en général et à la Réunion en particulier avec cette vague « bleue marine » qui a envahi la quasi totalité des Dom et Com. A l’exception toutefois de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna où Emmanuel Macron a pu sauver les meubles. Partout ailleurs, il a été littéralement rejeté par l’électorat.

Un vote sanction qui s’explique notamment par les disparités encore trop perceptibles Outre-mer par rapport à la France Hexagonale. Dans ces régions ultra-marines, les clignotants sont encore au rouge dans bien des domaines cruciaux que sont le chômage, le logement, la vie chère.

Un message de colère, de ras-le-bol

C’est ce mécontentement, cette incompréhension, ce sentiment d’abandon que l’électorat a souhaité signifier via son vote au pouvoir parisien mais aussi à ses relais locaux. Une colère à l’égard d’une crise sanitaire qui a encore plus affaibli économiquement toutes ces régions déjà en retard. Une colère aussi à l’égard de la gestion hasardeuse de ladite crise depuis Paris et de ses mesures restrictives (pass vaccinal imposé). Sans compter ses répercussions sur le pouvoir d’achat et les problèmes d’approvisionnement. Les Outre-mers voulaient le changement. Raison pour laquelle, ils avaient voté Mélenchon au 1er tour. Mais suite à l’élimination de ce dernier de la compétition, nombreux sont les Mélenchonistes qui ont basculé sur Le Pen. D’où la percée non seulement spectaculaire mais également historique de la candidate du Rassemblement Nationale dans toutes ces régions ultra-marines.

Des Outre-mers qui renforcent ainsi la « présidentialité » de Marine Le Pen en la faisant dépasser historiquement la barre des 40% des suffrages en France. C’est en effet la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’un parti d’extrême droite fait quasiment jeu égal avec un parti républicain. Au second tour de la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron l’avait emporté avec un peu plus de 66% des suffrages contre un peu plus de 33% des voix à Marine Le Pen. L’écart qui était de près de 34 points, il y a 5 ans, a été considérablement réduit passant ainsi, en 2022, à 16 points. Emmanuel Macron n’a pas su endiguer la montée de l’extrême droite en France dont le discours semble plus parler aux Français, notamment aux Domiens, avec des propositions plus concrètes touchant directement à leurs préoccupations quotidiennes qui sont les problèmes liés au pouvoir d’achat (vie toujours trop chère), au chômage (toujours près de 100 000 à la Réunion) et au logement (plus de 30 000 demandes non satisfaites). Ajoutez à cela une retraite de misère pour les anciens, des conditions de vie précaire pour les étudiants et une catégorie de plus en plus large de la population y compris la classe moyenne ayant du mal à joindre les deux bouts au 15 du mois, et l’on comprendra mieux la crise de confiance qui puisse exister entre les citoyens et la classe politique.

Un sentiment d’abandon, une impression que « rien ne bouge vraiment », que « les problèmes continuent à perdurer », problèmes de mal logement, de déplacement (embouteillages de plus en plus conséquents sur nos routes), du coût de la vie qui ne cesse de renchérir. Plusieurs élus locaux de tous bords sont intervenus au terme de ce second tour pour dire presque d’une même voix : « on devrait entendre la colère des citoyens ». Une colère qui est dirigée certes, via cette présidentielle, en direction du pouvoir parisien mais pas que. Ce ras-le-bol concerne toutes les strates de la politique. Les citoyens veulent plus de clarté dans l’action politique, plus de visibilité dans les politiques publiques et, surtout, plus de concret en ce qui concerne leurs attentes. Ils en ont marre des « belles paroles », des promesses électorales non tenues. Aussi, ces citoyens-électeurs de plus en plus stratèges, volatiles n’ont aucun scrupule à peindre, un jour, la Réunion totalement en rouge en votant l’extrême gauche de Mélenchon. Ou alors, un autre jour, totalement en bleu marine en votant l’extrême droite de Marine Le Pen à l’occasion d’une élection présidentielle, histoire d’envoyer un message, une alerte, un cri d’alarme au pouvoir central mais aussi au pouvoir local afin de leur faire comprendre qu’ils ne se laisseront plus faire. Les 5 années qui arrivent ne seront pas de tout repos pour Emmanuel Macron, attendu sur tous les fronts dans un contexte très compliqué.

Certes, le patron d’En Marche rempile pour un second mandat à l’Elysée, mais il lui faudra attendre le 19 juin prochain pour savoir s’il aura ou non les coudées franches pour gouverner la France.

Y.M.

([email protected])

 

 

 

Yves Mont-Rouge

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Téléphone : 0692 85 39 64

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