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« Mon péi bato fou, oussa bana i rale à nous… »

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Il y a des commentaires qui font parfois rire. Celui par exemple relatif à un article consacré à la Flamme du Soldat inconnu arrivée mardi dans notre île (voir article sur notre site). Un des internautes a ainsi interpellé Cyrille Melchior, le président du Département en lui demandant « combien va nous coûter cette Flamme ? ». Sauf que l’internaute en question confond manifestement Flamme du Soldat inconnu et Flamme olympique. Je ne vais vous la refaire, allez sur Google et vous aurez toute l’histoire sur la Flamme du Soldat inconnu. Ou bien alors, tapez tout simplement les mots clés sur votre site freedom.fr et là, également, vous aurez toutes les explications.

Cette Flamme du Soldat inconnu a été remise à une délégation des jeunes Réunionnais, il y a deux semaines. Cela s’est passé à Paris, sous l’Arc de Triomphe, sur les Champs-Elysées, en présence notamment du sénateur Michel Dennemont (voir photo ci-dessus). Une Flamme qui va faire le tour de la France. Elle ira même jusqu’au Piton des Neiges. Rien à voir donc avec la Flamme olympique qui, elle aussi, passera par notre île. Le Département devrait y consacrer un « petit » budget d’un peu moins de 200 000 € pour ramener cette Flamme dans à la Réunion.

Il s’agit d’un engagement pris en par le président Melchior (ici sur la photo, aux côtés de Tony Estanguet, président du Paris 2024). Voilà pour les histoires de Flamme. Je ne reviendrai pas sur celle qui a été « rallumée » le temps d’une nuit apparemment torride dans le réfectoire de la caserne des pompiers à Saint-Pierre, le soir du départ du Grand Raid. Une flamme très vite éteinte, dès le lendemain via un communiqué de presse, du président du SDIS, Stéphane Fouassin et du directeur de la même boutique.

Lesquels ont promis des sanctions contre les deux pompiers volontaires venus en renfort de métropole. En renfort de quoi ? N’y aurait-il pas assez de pompiers volontaires à la Réunion ? Des pompiers moins « en chaleur »? Pourquoi ne pas recruter local, suis sûr que les demandes ne manquent pas du côté de nos jeunes, dont nombre d’entre eux sont, en plus, à la recherche d’un boulot.

Le recrutement local, ça c’est un autre grand débat (j’ai bien dit débat avec un d s’il vous plaît). On en reparle dans un instant. Je voudrais vite revenir sur le « galimatia » politique survenu à l’Assemblée nationale en début de semaine concernant le vote de la motion de censure présentée par la NUPES. Je ne vais pas m’y attarder car je commence à en avoir un peu ras-le-bol de toutes ces chamailleries politicardes. On dirait des « marmailles l’école » dans une cour de récré. Tout un « mic-mac » en effet avec d’abord l’annonce du 49-3 par le gouvernement, suivie de la montée au créneau de la NUPES et du RN (Rassemblement National) qui, dans la foulée, annoncent leur intention de déposer, chacun de son côté, une motion de censure. Le RN refuse de voter celle déposée par la NUPES et le fait savoir. Et vice-versa. Mais au final, le RN vote la motion de la NUPES qui est rejetée étant donné que les 62 députés « LR » (Les Républicains) ont voté avec la majorité gouvernementale. Ce qui a fait dire à Nicolas Dupont-Aignan : « assez des opposants de carton-pâte ! ». Dans l’affaire, Elisabeth Borne, la Première ministre, a gagné son bras de fer avec l’opposition. Son budget, bien qu’au forceps, est passé.

En parlant de budget, j’ai lu que le Smic suisse va augmenter à compter du 1er janvier 2023. Il va passer à 4 368 francs Suisse brut, soit 4 400 euros brut. Rappelons qu’en France, le SMIC est actuellement à 1 678,95 euros brut, c’est-à-dire 1329,05 net.

Le syndrome de la goyave de France à la préfecture de la Réunion

J’ai vu que, dans des collectivités locales – la Région pour ne pas la citer – certains contractuels sont actuellement recrutés à 2 700 € brut mensuel, soit environ 2 400 € net. J’ai deux documents sous les yeux ; Les deux ont, paraît-il, fait campagne aux dernières régionales pour la présidente de la pyramide. Il s’agit de G.P, anciennement du Département, qui a été installé depuis 2 ans dans un bureau au service de « la Gouvernance partagée », qui orpheline d’ailleurs de direction puisque Bruno Faustin est reparti au SDIS. L’autre « contractuel-fonctionnaire » (vu le salaire) est P.L, recruté le 2 mai dernier et transféré au service médico-social de la DRH. Des emplois politiques, électoralistes ? Des emplois amicaux ?

Dans nombre de collectivités, il est aussi beaucoup question souvent d’emplois dits « familiaux » : un neveu, une nièce, un cousin, une cousine, un frère, une sœur… Ce qui est assez surprenant, c’est que, il n’y a pas si longtemps, André Thien-Ah-Koon, maire du Tampon, en a pris pour son grade, après avoir embauché dans une SEM, la sœur d’une de ses adjointes. Quant à l’employée en question, une Réunionnaise hyper diplômée des grandes écoles nationales, de commerce notamment, elle s’est vue interdire d’exercer à vie dans la fonction publique. Rien que ça pour un emploi qu’on dira « pistonné ».

Tant l’employeur – un élu – que l’employé, ont été condamnés pour « prise illégale d’intérêts ». Ils ont fait appel. Encore heureux ! Rien à voir ici avec un emploi fictif, pourtant !

Ce qui est bizarre – et ça m’interpelle – c’est que les « emplois pistonnés » (politiques, amicaux, familiaux…) de Réunionnaises et de Réunionnais sont souvent montrés du doigt par le contrôle de la légalité de la préfecture puis sanctionnés par les autorités judiciaires après saisine de la Chambre régionale des comptes (CRC). En revanche, les emplois de cooptation, autrement dit des emplois amicaux de « non Réunionnais » dans les administrations (les grands services de l’Etat), qui sont pourtant monnaie courante, ne sont jamais inquiétés par la justice. Aucun problème. Circulez, y’a rien à voir !

Je vais prendre deux exemples tout simples, qui font beaucoup jaser ces derniers temps du côté de la préfecture de la Réunion ainsi que dans les milieux syndicaux voire même chez les familles dont les enfants, de jeunes Réunionnais diplômés, ont été « blackboulés » par le service de la Coordination des politiques publiques de ladite préfecture. J’ai les documents sous les yeux. Ce n’est peut-être pas grand-chose, me direz-vous, mais ça en dit long tout de même sur un système qui semble perdurer, un peu comme les vieilles habitudes qui remontent du temps (béni pour certains) des Colonies.

Dans ce service de la préfecture de la Réunion, il y a un juriste (un Français d’origine bretonne) qui est parti à la retraite. Un appel à candidatures a été lancé. Jusqu’ici, rien à dire. L’Université de la Réunion ayant eu vent de cette opportunité a fait parvenir quatre candidatures locales auprès du service concerné. Quatre jeunes Réunionnais (trois jeunes femmes et un jeune homme), tous juristes, diplômés d’un Master 2 en Droit Public, avec petite expérience professionnelle, en raison de leur jeune âge. Mais des jeunes Réunionnais qui ne demandent qu’à travailler pour, justement, s’enrichir professionnellement. Certains ont même fait des classes préparatoires aux grandes écoles. Quelle plus belle récompense pour une famille réunionnaise ayant trimé toute sa vie afin d’envoyer ses enfants à l’école de voir ces derniers réussir et, pourquoi pas, intégrer dans une grande administration ! Ce ne sera pas possible, en tout cas, à la, préfecture de la Réunion.

En effet, résultat des courses, la candidature d’aucun des quatre jeunes Réunionnais n’a été retenue. La préfecture de la Réunion (ou plutôt le service de la Coordination des politiques publiques) a créé ainsi un poste de contractuel de 6 mois pour lequel il a préféré faire venir de métropole une jeune parisienne, titulaire également d’un Master 2 en Droit Public. Laquelle est déjà arrivée et a déjà pris son poste, celui laissé vacant par le Breton. Elle est pas belle la vie sous les tropiques !

Une affaire qui commence à faire du bruit en interne et même en externe, vous disais-je car le chef du service concerné, un certain N.B, recruté en 2021 à la préfecture de la Réunion, a lui même fait venir son meilleur ami A.G au bureau de l’expertise juridique et du contentieux. Tous deux avaient officié ensemble au haut-commissariat de la République en Polynésie française. Pour le recrutement de A.G, c’est N.B qui a fait passer les entretiens. Le recrutement a été ensuite validé par l’actuelle secrétaire générale de la préfecture, qui connaît bien N.B. Certains, sous forme de moucatage, commencent même à parler d’une « filière métronésienne » à la préfecture de la Réunion. Comprenez par là des camarades métropolitains qui figuraient dans l’organigramme du haut-commissariat de la République en Polynésie française et qui se retrouvent tous à la préfecture de la Réunion. En plus de N.B et de A.G, il faut ajouter A.B (service du budget et des finances) et A.N (service de l’achat public). Tous quatre sont passés du haut-commissariat de la République de la Polynésie française à la préfecture de la Réunion.

N.B ne cache d’ailleurs à personne, photos prises en Polynésie à l’appui, que A.G est son meilleur ami, qu’ils passent souvent leur week-end en famille. A propos de famille (et c’est tant mieux pour elle), l’épouse d’AG a obtenu, presque d’un coup de baguette magique, son affectation au Tribunal Administratif de Saint-Denis. Il y a des fonctionnaires réunionnais (quelles que soient les services administratifs) en poste en métropole qui attendent leur mutation depuis des lustres dans leur île natale. En vain. Les places sont déjà prises et, visiblement, ils ne sont pas prioritaires même s’ils ont des intérêts moraux.

Dans le cas de N.B et de A.G, n’y a-t-il pas là conflit d’intérêt ? Un ami qui facilite, qui favorise le recrutement d’un ami : n’est-ce pas un emploi coopté, pistonné ? Et ces quatre jeunes Réunionnais diplômés pour qui la porte de la préfecture est restée fermée alors que le département ne cesse de crouler sous le poids du chômage avec parmi ces chômeurs de plus en plus de diplômés de l’Université de la Réunion ? Que pense le représentant de l’Etat à la Réunion de ce syndrome de la goyave de France au sein de la préfecture ? Comme dirait la chanson, « comment ou rale ça ou Monsieur le, préfet ? »

« Nou lé pas plis, nou lé pas moins… »

Entendons-nous bien ; Vous l’aurez compris, je n’en fais ici pas une affaire de personne. Je ne connais pas ces gens-là ; Ni les fonctionnaires venus du haut-commissariat de la Polynésie française, ni les jeunes Réunionnais diplômés qui avaient postulé via l’Université de la Réunion. Je me dis tout simplement, avec beaucoup de naïveté sans doute que, compte-tenu de notre contexte social et en prenant en considération des grands discours politiques qui sont tenus par nos élus d’ici et de métropole sur la régionalisation de l’emploi, qu’il aurait été plus judicieux d’appliquer la règle suivante, à savoir « à compétences égales, recrutement local ».

Mais force est de constater qu’entre les discours du politiquement correct (c’est-à-dire pou fé zoli et pou berner l’opinion publique) et la réalité, il existe malheureusement un fossé abyssal. Vraisemblablement encore pour longtemps !

Pour finir sur ce registre, et toujours à la préfecture de la Réunion, j’apprends que tout récemment, l’Université de la Réunion a de nouveau sollicité N.B du service de la Coordination des politiques publiques pour l’accueil des étudiants réunionnais en stage. Réponse de ce dernier : « nous n’avons hélas pas de possibilité d’accueil pour des stagiaires aux périodes concernées au sein de nos bureaux tant sur le plan matériel et logistique qu’en termes de dossiers ou d’études susceptibles de leur être confiés. Je reviendrai vers vous le cas échéant… » Et patati et patata ! Devrais-en déduire que le contrôle de la légalité de la préfecture serait en manque de boulot ? En parlant du contrôle de la légalité de la préfecture, j’apprends que son actuel directeur A.CL devrait partir à la retraite en décembre prochain. Le poste aurait été proposé par la secrétaire générale de la préfecture à N.B qui, hélas, n’a pas le grade requis pour l’occuper. Est-ce légal d’abaisser le niveau de qualification requis pour permettre à une connaissance de postuler sur un poste ? Je pose la question, comme ça, au cas où certains (ou plutôt certaine) pourraient avoir des idées pour favoriser les copains… A suivre !

En tout cas, il y a des fonctionnements au sein de certaines administrations, et non des moindres, qui m’a rappelé un discours récemment prononcé par Huguette Bello, la présidente de Région, à propos des « droits culturels ». En voici un extrait : « Toute l’histoire de La Réunion est celle de violences fondatrices et d’écrasement des droits inhérents à la personne humaine et parmi ces droits, il y a « les droits culturels ». Pendant près de 3 siècles, soit 283 années exactement, nous avons vécu dans le monde colonial, connu l’esclavagisme, l’engagisme, vécu selon les règles de la société de plantation qui ont façonné la société réunionnaise.

Mais ce qui a surtout façonné la société réunionnaise, c’est le courage de ces femmes et hommes, qu’on a dépouillés de leur nom, de leur identité culturelle et qui ont eu la force de transmettre leurs pratiques culturelles et cultuelles et de bâtir, dans l’adversité, un patrimoine matériel et immatériel qui fonde l’identité réunionnaise.

A cette lutte pour les droits culturels menée pendant la période coloniale a succédé celle menée après la départementalisation, votée il y a 76 ans, il s’agit bien de la lutte contre le système assimilationniste qui a également façonné la société réunionnaise.

Pendant des années, La Réunion a subi des politiques culturelles postcoloniales «assimilationnistes», conduites par un jacobinisme parisien, qui ne portait pas attention aux réalités locales et à l’égale dignité de chacun face à sa véritable histoire. Des pans entiers de notre vécu, de notre parler, de notre environnement géographique indian-océanique ont été réprimés, interdits, méprisés et non valorisés, avec souvent la mise en œuvre de politiques publiques aliénantes… Au monolinguisme imposé partout, à cet exclusif linguistique se sont surajoutées, pour nous, les structures de domination modelées par la colonisation et l’assimilation qui ont relégué les langues créoles et les langues premières dans le dénigrement, dans l’auto-dévalorisation, dans le fénoir. Les conséquences pour les individus comme pour les peuples sont connues. Empêcher la langue, c’est rendre l’identité impossible ».

Ça va bien au-delà « des droits culturels », des langues… C’est tout un comportement, un fonctionnement d’Etat, une mentalité, un système, qu’il faudrait revoir, qu’il faudrait changer. Personnellement, je serai tenté d’ajouter aux propos de Mme Bello, tout en grossissant un peu volontairement le trait : « empêcher l’émancipation professionnelle de nos jeunes diplômés dans leur île où est enterré leur nombril et où ils ont été formés par leur université, ou empêcher la promotion des compétences locales dans les administrations, voire dans les grandes collectivités de leur département d’origine, c’est aussi rendre l’identité réunionnaise impossible », alors que, comme dirait, l’autre : « « Nou lé pas plis, nou lé pas moin… ». A méditer !

Et pour finir, une petite précision s’impose : qu’on ne vienne surtout pas me taxer de raciste ou d’autres mots doux du même acabit ! Je connais la rengaine. C’est l’argument (trop) facile des personnes pas toujours très courageuses qui préfèrent se cacher derrière leur petit doigt afin d’éviter de regarder (peut-être pas la, mais…) une réalité en face. Une réalité que chantait déjà au tout début des années 80 Gilbert Pounia, avec son groupe « Ziskakan » : « mon péi bato fou, oussa bana i rale à nou… ».

Y.M.

([email protected])

Yves Mont-Rouge

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Téléphone : 0692 85 39 64

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