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Nomination du directeur régional du CNFPT ou « l’arbre qui cache la forêt » : une tribune de Joé Bédier

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Joé Bédier est maire de Saint-André depuis juin 2020 et conseiller régional depuis décembre 2015. Voici la tribune libre qu’il nous a adressée concernant les recrutements à la Réunion :

« La nomination au poste vacant de directeur régional du CNFPT a donné lieu à des interventions légitimes d’élus, de représentants syndicaux et associatifs pour le recrutement d’un candidat local, plus au fait des problématiques spécifiques de nos collectivités et de notre fonction publique territoriales.

Cette demande est d’autant plus légitime que les compétences existent. Pour autant on ne peut s’empêcher de constater l’absence d’une démarche volontariste et globale sur le problème, réel, du recours important et souvent préférentiel à des recrutements extérieurs, non justifié par l’absence de ressources régionales. Les interventions, ponctuelles et presque toujours en réaction à des décisions déjà prises, sont focalisées sur les postes à haute responsabilité alors que pratiquement toutes les catégories professionnelles sont concernées.

Concernant le niveau cadres, une étude récente de l’INSEE (« Analyses », novembre 2020, n° 49) indique que les natifs représentent encore moins de la moitié (47 %) de cette catégorie, dont le nombre est évalué à 31 000 (public et privé). Aux Antilles le pourcentage de natifs est supérieur de dix points et même dans les régions hexagonales, où pourtant la mobilité est soumise à moins de contraintes, ce taux est de 52 %. Là aussi on a tendance à se focaliser sur la fonction publique alors que le phénomène touche autant sinon plus le privé.

Expliquer cette situation uniquement par l’absence de compétences locales ne correspond pas à la réalité. On peut relever dans une autre étude de l’INSEE sur les migrations entre 2012 et 2016 (Analyses n° 23, juin 2017) « qu’à La Réunion les natifs sont désormais aussi nombreux qu’en province parmi les titulaires d’un diplôme supérieur au bac » (leur nombre est passé de 7500 en 1990 à 60 000 en 2016). Et le quart des 1800 natifs de l’île (hors étudiants et autres personnes inactives) la quittant chaque année, essentiellement pour la métropole, ont ce niveau de formation.

S’en tenir à la thèse du manque de compétences relève d’une volonté de nier une réalité qui saute pourtant aux yeux de tout le monde, à savoir, au-delà du phénomène des réseaux, une tendance encore répandue à préférer recruter à l’extérieur, tendance ne reposant souvent que sur des préjugés – et quand ce n’est pas le cas, sur un manque d’anticipation des besoins et de recherches sur place. Et ce ne sont pas seulement les cadres qui sont concernés, mais aussi des catégories intermédiaires, voire pour la fonction publique (hors fonction publique locale), toutes les catégories.

Malgré les rapports remis au gouvernement depuis plus de dix ans et une montée de tensions de plus en plus palpable, on ne perçoit pas de volonté réelle, nationale ou régionale, de s’attaquer au problème. Même la loi, quand elle inscrit par exemple le CIMM (centre des intérêts matériels et moraux) parmi les critères prioritaires de mutation des fonctionnaires de l’Etat, n’est pas appliquée.

Il n’est pas question ici de préconiser une préférence régionale exclusive, accusation de ceux qui ne veulent pas voir changer une situation dans laquelle des milliers d’emploi échappent aux Réunionnais, avec pour conséquences une migration subie, aux contraintes humaines et familiales sans commune mesure avec la mobilité entre régions hexagonales. Il s’agit tout simplement de mettre en place une politique de recrutement prenant en compte un contexte économique et social hors norme, les ressources humaines disponibles et les contraintes d’une mobilité qui ont aussi un coût financier. Il est aberrant en effet de dépenser annuellement des centaines de millions d’euros, directement ou indirectement pour lutter contre le chômage et en même temps de contribuer à ce chômage en recrutant à l’extérieur bien au-delà du nécessaire !

Changer cette situation implique un engagement des acteurs en charge de la politique et de la gestion de l’emploi, institutionnels, politiques, chefs d’entreprise et syndicats notamment. Un engagement sur des mesures qui ont déjà été proposées mais sont restées sans suite, comme une charte globale sur les recrutements et la mise en place d’un observatoire de l’emploi local, ou encore l’application de la loi sur le critère du CIMM dans la fonction publique de l’Etat (sans oublier la fonction publique hospitalière) et, d’une manière générale, la transparence dans les nominations sur des emplois publics ou parapublics.

Il ne s’agit pas non plus de créer des sortes d’usines à gaz mais de partager et porter ensemble une politique de recrutement adaptée à notre situation, des engagements simples à mettre en œuvre, qui ne suffiront pas à eux seuls à résorber le chômage mais dont l’importance ne doit plus échapper à tous ceux qui concourent à une gestion responsable de l’emploi.

Dans toute politique publique il faut un chef de file et j’estime qu’il incombe à la région, déjà en charge du développement économique, de la formation et de politiques de l’emploi en général, d’assumer cette responsabilité dès l’entame de sa toute prochaine mandature ».

Joé BEDIER, Maire de Saint-André et conseiller régional

 

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

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