SPL Réunion des Musées et faits de concussion : le parquet fait appel de la relaxe de Didier Robert… qui n’est pas sorti de l’auberge !

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Didier Robert avait comparu, le 22 avril dernier, devant les juges du tribunal correctionnel de Saint-Denis pour pas moins de 7 chefs d’inculpation dont abus de biens sociaux, prise illégale d’intérêts et déclaration incomplète de ses revenus à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et concussion. La justice lui reproche d’avoir, en 2017, perçu 21.870 euros de trop.

Le procès avait duré 8 heures devant la Correctionnelle de Saint-Denis . Le verdict des juges du tribunal correctionnel est tombé le vendredi 21 mai 2021 : Didier Robert a été condamné à 15 mois de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité. En revanche, il avait été relaxé pour des faits de concussion. Or, le parquet de Saint-Denis, en ce mercredi 26 mai 2021, a décidé d’interjeter appel concernant cette relaxe. Ce qui fait que Didier Robert retourne complètement à la case départ et sera rejugé ultérieurement pour tous les chefs d’inculpation devant la Cour d’Appel de Saint-Denis. 

En attendant, d’être re-jugé en appel, il reste un citoyen libre et peut se présenter aux élections régionales des 20 et 27 juin prochains.

Le 22 avril dernier, tant Me Alain Rapady pour Mme Clain que Me Jean-Jacques Morel et le bâtonnier Djalil Gangagte pour Didier Robert ont demandé la relaxe en faveur de leur client respectif.

Ecoutez Didier Robert et Me Morel à leur sortie du tribunal le 22 avril dernier. Il était 22 heures. Me Morel et Me Gangate estimaient alors, que « Didier Robert n’a commis aucune infraction ». Ils sont au micro d’Yves Mont-Rouge :

Pas très bavard Didier Robert devant les caméras, mais en revanche, après le procès, il a posté un message sur les réseaux sociaux.

Le voici :

« A l’occasion de cette longue audience, j’ai pu m’exprimer, m’expliquer et exposer mon point de vue. À aucun moment je n’ai voulu contourner la loi c’est pourquoi je conteste les infractions qui me sont reprochées .

J’ai toujours servi La Réunion et je n’ai jamais été dans la recherche de gain personnel.
En responsabilité politique depuis plus de 15 ans au service de l’intérêt général, je sais ce que signifie rendre des comptes. Je l’ai fait à chaque fois en toute transparence devant les Réunionnais. Je n’aurais jamais la prétention d’affirmer que je fais un parcours « zéro faute », sans commettre d’erreur. Mais je peux dire aussi que je place l’intérêt de mon île bien au-dessus de toute autre considération.

J’ai répondu aujourd’hui au calendrier judiciaire.
L’accusation s’est exprimée et le procureur a demandé des peines. Nous ne partageons pas son analyse en fait et en droit. C’est ce que j’ai exprimé cet après-midi, que mes avocats ont défendu. Ils ont donc demandé la relaxe.

Je veux ici remercier tous ceux qui m’ont apporté leur soutien à l’occasion de cette audience dans cette épreuve. »

Le procès avait débuté 8 heures auparavant, c’est-à-dire vers 14 heures : Didier Robert arrive entouré des ses avocats Me Djalil Gangate et Me Jean-Jacques Morel ce jeudi 22 avril à 14h au tribunal. Juste avant eux, sont arrivés Christine Clain et son avocat Me Alain Rapady. À 19h30, les réquisitions du Procureur tombent. Ce dernier requiert contre Didier Robert 15 mois de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité et contre Christiane Clain, 6 mois de prison avec sursis.

Le procès en LIVE avec Yves Mont-Rouge

  • 19h30 : Le Procureur requiert contre Didier Robert 15 mois de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité. Et contre Christiane Clain : 6 mois de prison avec sursis.
  • 14h39 : Le tribunal indique que la QPC est dénuée de caractère sérieux et qu’il n’y a pas lieu de le transmettre au Conseil Constitutionnel. Donc le procès va se poursuivre.
  • 14h32 : Le procès pourrait être renvoyé dans au moins 7 mois. Le tribunal doit rendre sa décision dans un instant.
  • 14h23 : Avez-vous envie d’être jugé ou pas ?, demande le Président du Tribunal. Didier Robert répond : non.
  • 14h04 : Les avocats de Didier Robert saisissent le tribunal sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Me Jean-Jacques Morel s’exprime.

Réaction de Clara Derfla, responsable du syndicat UR 974, qui s’est porté porté civile dans cette affaire, juste après les réquisitions du ministère public. Elle est aux côtés de son avocat Me Jérôme Maillot. Clara Derfla est au micro d’Yves Mont-Rouge :

Pour rappel

Didier Robert comparaît aujourd’hui, jeudi 22 avril 2021, devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis. Il devait avoir lieu le 9 avril dernier mais l’un des avocats qui doit plaider dans le cadre de cette affaire avait contracté  le Coronavirus. En effet Me Alain Rapady, le conseil de Christine Clain, ex-cadre de la Sem Muséo soupçonnée de recel et de prise illégale d’intérêt ne pouvait plaider en raison de son état de santé. Il a demandé un report du procès qui lui fut accordé.

Rappelons que le procès de Didier Robert qui devait se tenir en octobre de l’année dernière avait déjà été reporté une première fois.  L’ex Pdg de la Sem Muséo, également président de Région sortant, doit répondre de pas moins de 7 chefs d’inculpation dont abus de biens sociaux, concussion et prise illégale d’intérêts.

C’est suite à un signalement de la Chambre régionale des comptes au parquet de Saint-Denis qu’une enquête préliminaire avait été ouverte en 2018 par le Procureur de la République pour des faits présumés de détournements de fonds publics et de recel de détournement de fonds publics.

Il y a plusieurs affaires pour une seule comparution. Il est reproché à l’ex Pdg de la SPL Réunion des Musées Régionaux d’avoir augmenté le salaire de la responsable de la SPL via un avenant au contrat initial de travail le 1er janvier 2017 alors que le mois suivant il signe la rupture conventionnelle pour cette même personne qui se trouve être aussi l’épouse d’un ancien directeur de la structure et un ami de l’Ecole militaire du Tampon.

Didier Robert devra également répondre concernant le salaire de 6 800 euros nets par mois qu’il s’est accordé durant plus d’une année sans autorisation du Conseil d’administration de la SPL dont il était le Pdg. A cette époque, la situation sociale de la société n’était pourtant pas au beau fixe et plusieurs salariés de la SPL se trouvaient sur le point d’être licenciées.

Il sera également question des jetons de présence qu’il aurait perçu durant l’exercice de sa fonction au sein de la SPL, soit une somme totale dépassant les 5 000 euros.

Et ce n’est pas tout. Didier Robert devrait par ailleurs apporter des explications quant à ses revenus qu’il aurait oublié de déclarer, selon le rapport transmis au Parquet par la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique).

Enfin, rappelons que Didier Robert est officiellement candidat aux régionales. Il brigue en effet un troisième mandat après son élection de 2010 et de 2015. L’on devrait connaître les réquisitions de l’avocat général au terme de ce procès aujourd’hui en attendant la décision du tribunal qui sera vraisemblablement mis en délibéré d’ici une à deux semaines.

Voici le compte-rendu qu’avait rédigé Yves Mont-Rouge dans son édito daté du vendredi 23 avril dernier :

« Le Procureur a expliqué que, selon les éléments de l’enquête et des pièces récoltées durant l’instruction de cette affaire depuis le signalement émis par la Chambre régionale des comptes sur la SPL fin 2017, il y aurait un doute sur l’utilisation de l’argent public. Comment un président de Région (élu en 2010, puis en 2015), devenu président de la SPL RMR en 2016, succédant à son ami Jean-François Sita, a-t-il pu s’accorder une indemnité de 6800 euros, sans aucune délibération du conseil d’administration ? Comment un Pdg d’une SPL, qui fonctionne avec une grande partie de l’argent public (subvention de la Région dont il est le président) a-t-il doubler le salaire d’une amie (passant de 4000 € à 8000 €) 3 mois avant que cette dernière ne quitte la société et alors que la SPL est en pleine crise financière (comptes dans le rouge), pas moins de 7 salariés ont été virés etc ? Comment un élu de la République qui a été maire (du Tampon), député, sénateur, président de Région, puis président de la SPL Maraina et aujourd’hui président de la SEMATRA (Air Austral) a-t-il pu oublier de déclarer une partie de ses revenus ? Aux yeux du ministère public, il y a forcément quelque chose qui cloche ; En droit, cela s’appelle des infractions, des délits. Comment quelqu’un qui a fait des études supérieures dont Sciences-Po à Aix-en-Provence avec une spécialité en « Economie et Finances » a-t-il pu en arriver à là ? « Comment vous avez pu vous laisser embringuer là-dedans » a demandé le président du tribunal correctionnel à Didier Robert qui, debout à la barre, n’en menait visiblement pas large. Il faut dire qu’il a plus l’habitude des ors dorés de la République que le décor rustique d’une salle d’audience relativement « réfrigérée » par une climatisation bruyante. Pas évident de rester assis sur un banc en bois ou debout des heures durant, quand on est habitué au confort et à être servi comme un petit roi eu égard à ses fonctions électives !

Pour sa défense, lorsqu’il a été interrogé par le président du tribunal, Didier Robert a dit, concernant la rémunération de 6800 € sans validation du conseil d’administration : « je pensais que j’y avais droit » suite à une délibération votée par la commission permanente de la Région le 2 février 2016 à laquelle il n’avait pas assisté, pour avoir été à Paris. Une commission permanente présidée par le vice-président Jean-Louis Lagourgue qui, en tant que représentant de Didier Robert n’avait pas pris part au vote sur ce rapport relatif à la SPL RMR et sur celui relatif à la SEMATRA. « Oui, mais ces rapports de la commission permanente, vous les avez quand préparés en amont, en tant que président de Région ? », s’interroge le président du tribunal, qui précise aussitôt : « il y a bien votre signature sous ces documents ». Réponse de Didier Robert : « c’est un cachet-tampon et ma griffe mis par les services… Je n’étais pas là, j’étais à Paris). Signature, griffe… Ce qui fera dire plus tard au Procureur de la République : « c’est pas moi, c’est mas secrétaire ». Autrement dit, ce n’est pas très sérieux comme ligne de défense pour un élu de la trempe de Didier Robert.

Et pour le doublement de salaire de « l’amie de 20 ans » ? D’habitude, tout ce qui recrutement, augmentation de salaire au sein de la SPL RMR, cela passe par la DRH. Sauf que, exceptionnellement, pour le recrutement de Mme Christiane Clain, « très compétente », semble-t-il, c’est Didier Robert en personne qui s’en est chargée. Mme Clain, qui est l’épouse de Serge Clain, ancien de l’Ecole militaire comme Didier Robert, a été recrutée pour remplacer Jean-Claude Surroux à la direction de la SPL, lui-même ancien de l’Ecole militaire du Tampon.

Pour sa défense, Didier Robert soutiendra qu’il a été obligé de faire vite compte-tenu de la situation dans laquelle se trouvait la SPL (-400 000 euros de déficit), qu’il n’y avait pas le temps de suivre la procédure habituelle pour le recrutement d’un directeur, que cela aurait pris trop de temps et que la SPL aurait alors bu le bouillon.

Et concernant l’oubli d’une partie de ses revenus comme l’a relevé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ? Didier Robert dira que ce n’est pas lui qui déclare ses revenus mais que cette tâche était confiée à son cousin Gaston Bigey qu’il a installé à la tête de NEXA, société grandement subventionnée par la Région. C’est pas moi, c’est mon cousin ! Entre la secrétaire (qui a apposé le cachet-tampon-griffe), « l’amie de 20 ans », le cousin… Me Jérôme Maillot rappellera la devise de l’Ecole militaire : « s’instruire, servir, se distinguer »… Avant de dire « Servir… Quand on prend les sous du service public, on ne sert plus, on doit partir , ! ».

Sur tout ce qui a été décrit aussi bien par le président du tribunal, par ses deus assesseures et par le Procureur de la République, Me Nathalie Pothin, pour Anticor, dira tout simplement que « le mode opératoire utilisé par le prévenu est scandaleux. Il a commis des infractions et, a posteriori, il a essayé de se remettre dans les clous en remboursant les sommes indûment touchées après le déballage fait sur la place publique par les médias ».

Infractions, délits ? Pour les avocats de la défense, Me Morel et le bâtonnier Gangate, « il n’y a rien de tout ça ». En clair, le parquet serait complètement à compter de la plaque. Quant à Anticor, « pas de leçon de probité à donner », selon Me Morel. Et la Chambre régionale des comptes ? « Mme le procureure financier (comprenez la patronne de la CRC) a mené une enquête à charge » dira la défense de Didier Robert. Me Rapady pour Mme Clain parlera même « d’hystérie » concernant cette « procureure financière ». Et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). « Un machin qu’on a créé en plus qui n’a pas de pouvoir et qui a épargné selon la presse nationale 12 ministres qui avaient eux aussi oublié de remplir correctement leur déclaration de revenus et de patrimoine. Il y a même un ministre qui a oublié de déclarer 5,6 millions d’euros de patrimoine. La HATVP a reconnu leur bonne foi mais pas pour Didier Robert parce que, lui, c’est un petit élu de province, pire d’Outre-mer. Il y a eu une différence de traitement ». Et Me Morel d’interpeller les juges : « est-ce que vous signifierez à Didier Robert sa mort politique sur un dossier pareil ? Est-ce qu’on peu le détruire pour ça ? Y’a-t-il eu un seul euro d’argent public gaspillé ? Y’a-t-il eu emploi fictif ? Nous sommes aux antipodes de l’atteinte à la probité ». Me Jean-Jacques Morel poursuit : « Didier Robert petit fils de planteur, fils d’une institutrice, a commis des erreurs de forme mais pas d’infractions, de délit au sens pénal du terme. Didier Robert est un homme propre, humble, humaniste, il n’est pas du tout matérialiste ». En un mot, il n’a presque rien fait.

D’ailleurs, le feront remarquer, ses avocats, « il a déjà tout remboursé, il a contracté un prêt auprès de la banque pour pouvoir rembourser ». Force est de constater que la justice ne les a pas suivis au vu du jugement qui a été rendu ce vendredi matin 21 mai 2021 !

Y.M.

(montrougeyves @gmail.com)

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

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