La prolongation de l’utilisation des tickets restaurant pour l’achat de produits alimentaires en supermarché, initialement introduite en 2022 pour soutenir le pouvoir d’achat pendant la crise du Covid-19, a été votée pour deux années supplémentaires par l’Assemblée nationale. Cette mesure concerne environ 5,4 millions de salariés en France.
À l’échelle nationale, les tickets restaurant permettent l’achat de denrées alimentaires devant être préparées (comme la farine, les pâtes, ou la viande), avec une limite fixée à 25 euros par jour et utilisables uniquement les jours travaillés. Cependant, à La Réunion, leur utilisation diffère considérablement, parfois sans restriction.
Des pratiques spécifiques à La Réunion
Sur l’île, les tickets restaurant, qu’ils soient sous forme physique ou dématérialisée, sont largement acceptés dans les grandes surfaces pour des achats variés, sans toujours respecter les limitations prévues par la loi.
•Absence de contrôle strict : Certaines grandes surfaces ne différencient pas les achats alimentaires de produits non éligibles, comme l’alcool, qui passent régulièrement en caisse, qu’elle soit automatique ou physique.
•Utilisation par les professionnels : il est courant que des commerçants spécialisés, notamment dans les snacks et bars, utilisent les tickets restaurant reçus pour se réapprovisionner en matières premières dans les grandes surfaces. Face à ce manque de transparence, les services de l’État encouragent les entreprises à adopter le système dématérialisé, sous forme de carte, afin de renforcer le contrôle et la clarté des transactions. En effet, certains professionnels utilisent les tickets restaurant à des fins non conformes, sans aucune déclaration ni suivi, rendant difficile le contrôle des produits réellement vendus, comme les bouchons, gratinés ou autres. Par ailleurs, certains refusent catégoriquement d’accepter la carte dématérialisée, préférant les tickets papier.
La carte présente pourtant des avantages importants : contrairement aux tickets papier, elle permet une utilisation fractionnée dans la limite de 25 € par jour, offrant ainsi la possibilité d’acheter chez plusieurs commerçants différents. Cependant, elle présente un inconvénient majeur : les jours fériés travaillés à la demande de l’employeur. La carte n’est pas utilisable ces jours-là, et si l’employé n’a pas prévu de quoi se nourrir, il se retrouve sans solution. De plus, dans ces situations, l’employeur n’offre généralement aucune prise en charge ni repas, laissant l’employé s’organiser seul, ce qui peut poser problème dans certains cas.
•Limite quotidienne souvent ignorée : De nombreuses grandes surfaces à La Réunion ne mettent pas en œuvre de restrictions sur le montant journalier ou les jours d’utilisation.
Nous avons réalisé plusieurs tests sur l’île, et à notre grande surprise, certaines grandes surfaces, snack ou même boulangerie n’appliquent aucune limitation sur l’utilisation des tickets restaurant. Nous avons même constaté qu’il était possible de payer des alcools forts sans aucune difficulté, que ce soit en caisse automatique ou en caisse physique.
Une dérogation prolongée pour deux ans
La mesure, introduite en réponse à une inflation élevée, devait initialement prendre fin au 31 décembre 2024, mais le vote des députés (75 pour, 0 contre) a permis de la prolonger jusqu’en 2026. Ce consensus reflète l’importance de maintenir un soutien au pouvoir d’achat des ménages, même si la réforme des titres restaurant reste en discussion pour 2025.
Les restaurateurs se mobilisent et dénoncent ce qu’ils considèrent comme un véritable scandale, pointant une concurrence déloyale qui fragilise leur activité.
Les enjeux d’une réforme
Lors des débats, les parlementaires ont souligné la nécessité d’une réforme en profondeur des titres restaurant, créés en 1967, pour les adapter aux évolutions actuelles, telles que le télétravail.
Les propositions incluent :
•Une dématérialisation accélérée pour plus de contrôle.
•Une réduction des commissions imposées aux commerçants.
•Une ouverture éventuelle aux étudiants, particulièrement en difficulté économique.
•L’utilisation des titres comme levier pour une alimentation saine et durable.
Des effets contrastés sur l’île
Si la mesure est perçue comme un soutien au pouvoir d’achat, les pratiques spécifiques à La Réunion suscitent des interrogations. Entre utilisation sans limite dans les grandes surfaces et absence de contrôle sur les produits éligibles, cette flexibilité pourrait fragiliser certains secteurs comme la restauration, tout en encourageant des abus.
La prolongation pour deux ans offre un répit, mais une réglementation plus stricte et adaptée au contexte local pourrait s’imposer pour un usage plus équitable des tickets restaurant.