//

« Qui du « komor » qui prend la place dans les hôpitaux, qui du « zorèy » qui ramène la COVID19 »

2 min de lecture
25

Courrier d’Aline Murin Hoarau, conseillère régionale
 :

« Lorsque je lis ou que j’écoute les commentaires de mes concitoyens dont certains expriment, dans ce contexte actuel difficile, le racisme, le rejet de l’autre, la haine parfois, qui du « komor » qui prend la place dans les hôpitaux, qui du « zorèy » qui ramène la COVID19 lors de ses nombreux voyages aériens… ; sans les juger (car j’y vois aussi l’expression de la peur et de l’incertitude), j’ai mal à mon île, j’ai mal à ma créolité.
 Au-delà de cette douleur que je ressens, j’ai des doutes quant à notre possibilité à assumer pleinement nos valeurs citoyennes de solidarité, de fraternité, d’hospitalité.

Je m’interroge sur la montée de ces rejets, des extrémismes, sur le délitement des réseaux de solidarité, sur l’éclatement des familles, sur la violence de plus en plus forte qui règnent dans notre département.
Je me dis qu’il manque des horizons, des perspectives à cette jeunesse pour qu’elle s’exprime ainsi. Je me dis qu’il lui manque des mots et des socles de compréhension. Je me dis également que les histoires que me racontaient mes parents et mes grands-parents qui solidifiaient, par leurs symboles, ma relation au monde, étaient utiles. Sans passéisme aucun, il faut avec force et vigueur réaffirmer notre identité, nos valeurs culturelles, et notre créolité. Il nous faut comprendre d’où on vient, notre Histoire, l’origine de notre population et son évolution dans le temps. 
Je suis professeure d’histoire et de géographie et à ce titre, même si je reconnais qu’il y a eu des avancées, il faut admettre qu’elles sont loin d’être suffisantes.

Quel volume est consacré à l’Histoire de cette île ? Comment est enseigné ce contenu ? Quelle place symbolique et réelle lui donne-t-on ?
Nous sommes un bout de France avec une histoire particulière tissée de faits historiques pas banals : esclavagisme, engagisme, colonisation, départementalisation…
Nous sommes un bout de France avec une construction de population hybride qui force le respect et fait de nous un exemple que l’on cite dans le monde.
Ce tissage, cette «batarsité», cette créolité qui constituent cette population plurielle à forte connotation culturelle et cultuelle sont des richesses que de nombreux pays nous envient. Nous devons nous, aînés, nous politiques, nous responsables administratifs, nous enseignants, nous artistes, nous agriculteurs, artisans, restaurateurs, soignants, forces de l’ordre, militaires etc.. bâtisseurs de notre société et nous pères et mères de famille… nous tous qui faisons cette île, nous devons les faire perdurer et faire sens. Nous devons lutter contre la montée de l’indifférence, du racisme, des extrêmes , contre le rejet « ordinaire et banalisé » de l’autre .…
J’ai la faiblesse de croire qu’en repensant notre Histoire, en lui donnant une place plus importante dans l’enseignement en primaire comme dans les établissements secondaires, en mettant en place des référents spécifiques et une transversalité qui combleraient les lacunes creusées par le manque de temps et la course pour boucler les programmes, en créant des outils pédagogiques innovants qui valorisent nos origines et notre identité commune, nous réduirons en partie les incompréhensions et les rejets.

Comment faire pour éviter qu’il soit semé tant de haine ? « Kan nou koné ou sa nou sort », nous pouvons aussi mieux consolider notre vivre ensemble et notre meilleur ancrage au sein de la République dans cette reconnaissance de ce que nous sommes ».

0 0 votes
Note de l'article
S'inscrire
Me notifier des
25 Commentaires
plus de votes
plus récents plus anciens
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Article précédent

« 19 mars 1946 : une Départementalisation encore largement inachevée »

Article suivant

Une personne entre la vie et la mort après un accident cette nuit à St André

Free Dom