Rémy Bourgogne : « La Réunion face à la délinquance, comprendre pour agir au-delà des stéréotypes »

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Rémy Bourgogne est responsable de « PMR » (Pour le Mouvement Réunionnais). Il est également enseignant certifié en Sciences Économiques et Sociales, ancien doctorant en Anthropologie sociale et culturelle. Il est par ailleurs titulaire d’un Master en Sciences Sociales, d’un Master en Expertise des Professions et des Institutions de la Culture et d’un Diplôme Universitaire en Intervention Sociale en Milieu Urbain. Voici sa tribune sur le sujet d’actualité des violences urbaines.

« Depuis plusieurs semaines, La Réunion est sous tension. Des actes de délinquance, souvent attribués à des jeunes issus de la communauté mahoraise ou comorienne, occupent une place centrale dans les débats publics et sur les réseaux sociaux. Ces faits divers cristallisent des angoisses, exacerbent les tensions entre communautés et nourrissent un discours de stigmatisation. Mais au-delà des polémiques et des raccourcis, avons-nous pris le temps d’analyser les causes profondes de ces problèmes ?

Réduire la délinquance à une simple question ethnique, c’est refuser de voir une réalité bien plus complexe : celle des fractures sociales, des inégalités structurelles et de l’abandon territorial. Ces dynamiques, pourtant centrales, sont trop souvent ignorées au profit de discours simplistes et polarisants.

Les inégalités sociales, moteur de la délinquance

Une précarité qui nourrit le désespoir : avec un taux de chômage des jeunes qui dépasse 40 %, La Réunion offre peu d’opportunités à une grande partie de sa population. À cela s’ajoute un coût de la vie parmi les plus élevés de France : selon l’INSEE, les biens de première nécessité y sont jusqu’à 36 % plus chers qu’en métropole. Dans les quartiers populaires, ces inégalités asphyxient les familles et nourrissent un sentiment d’abandon.

La précarité, comme l’a analysé Robert Castel dans L’Insécurité sociale (2003), crée un terrain propice à la désocialisation. Le manque de perspectives et les frustrations sociales peuvent se traduire par des violences et des comportements déviants. Derrière de nombreux actes de délinquance, on retrouve souvent une détresse sociale profonde.

Une exclusion territoriale aggravante

Ces inégalités se manifestent également dans l’organisation urbaine de l’île. À mesure que la gentrification transforme les anciens quartiers populaires en zones résidentielles pour les classes aisées, les populations les plus précaires sont reléguées à des zones éloignées des centres économiques et urbains.

Ces quartiers, souvent mal desservis et sous-équipés, renforcent l’isolement des populations qui y vivent. Loïc Wacquant, dans Urban Outcasts (2008), décrit ces espaces comme des ghettos modernes où les tensions et la violence deviennent des exutoires à une souffrance collective.
Dans le même temps, la multiplication des « gated communities », ces quartiers résidentiels fermés et sécurisés, symbolise la fracture sociale qui se creuse à La Réunion. D’un côté, des populations aisées protégées derrière des murs ; de l’autre, des populations marginalisées enfermées dans leur précarité. Cette ségrégation territoriale alimente les tensions et accroît le sentiment d’injustice.

Mayotte : une crise sociale qui rejaillit sur La Réunion

À ces fractures locales s’ajoute une pression migratoire en provenance de Mayotte. Confrontée à une pauvreté chronique et à un système éducatif saturé, l’île a été durement frappée par le cyclone Chido, qui a détruit des infrastructures déjà fragiles. La situation sociale et l’insécurité poussaient déjà de nombreux Mahorais à quitter leur île pour La Réunion. Les conséquences de Chido vont inévitablement accentuer cet exode vers des territoires déjà saturés.

Ces migrants arrivent souvent dans des quartiers précaires où les tensions sont exacerbées par la concurrence pour l’accès au logement ou à l’emploi. Cette dynamique, comme l’ont montré Élias et Scotson dans The Established and the Outsiders (1965), alimente les rivalités entre populations locales et nouvelles arrivantes, renforçant ainsi un cercle vicieux de méfiance et d’exclusion.

Stigmatisation et tensions communautaires : un cercle vicieux

L’association systématique entre délinquance et populations migrantes, relayée par certains discours médiatiques ou politiques, alimente des préjugés et exacerbe les tensions. Zygmunt Bauman (Wasted Lives, 2004) explique comment les populations marginalisées deviennent des boucs émissaires dans des sociétés en crise.

Ce climat favorise une polarisation des débats et une montée des discours de rejet, qui fragilisent la cohésion sociale et renforcent le sentiment d’insécurité. Ce phénomène empêche toute solution constructive et condamne l’île à une spirale de défiance et d’oppositions.

Quelles solutions pour apaiser les tensions ?

À La Réunion : réhabiliter les territoires oubliés. Pour enrayer les fractures sociales, plusieurs mesures s’imposent :

  • –  Rénovation des logements sociaux et construction d’infrastructures adaptées.
  • –  Politique de mixité sociale pour limiter la concentration de pauvreté.
  • –  Accès renforcé à l’éducation et à la formation pour éviter le décrochage scolaire et l’oisiveté, souvent propices à la délinquance.

    À Mayotte : accompagner le développement local

    L’État doit investir dans des infrastructures modernes et créer des opportunités économiques à Mayotte pour limiter la pression migratoire. Parallèlement, des politiques d’intégration adaptées doivent être mises en place à La Réunion :

  • –  Faciliter l’accès à l’éducation et à la formation des jeunes réunionnais et migrants.
  • –  Lutter contre les préjugés par des campagnes de sensibilisation auprès des acteurs locaux.
  • –  Créer des espaces de dialogue intercommunautaires pour prévenir les tensions.L’immigration clandestine vers Mayotte ne profite ni aux migrants, qui s’exposent à des dangers et à la précarité, ni aux Mahorais, qui subissent les conséquences d’une gestion inefficace du territoire. Une approche globale est nécessaire pour limiter ces flux migratoires, tout en améliorant les conditions de vie à Mayotte et aux Comores.

    Sanctionner la délinquance pour rétablir l’ordre

    Lutter contre la délinquance implique une réponse ferme et équitable. Il est essentiel de rappeler que la délinquance à La Réunion ne concerne pas uniquement les Mahorais. Si certains actes sont le fait de jeunes issus de cette communauté, il serait irresponsable de se dédouaner en ne pointant qu’un seul groupe. La réalité est plus complexe : des jeunes de toutes origines sont impliqués dans ces violences, souvent poussés par les mêmes facteurs sociaux et économiques. Toutefois, aucun trouble à l’ordre public ne doit être toléré, quel que soit l’auteur. La loi permet déjà d’interdire à un individu condamné pour des faits de délinquance de revenir sur un territoire donné (commune, département ou France entière). Ces dispositions doivent être appliquées avec rigueur.

  • –  Pour les étrangers en situation irrégulière, l’expulsion doit être systématique en cas de récidive.
  • –  Pour les délinquants mahorais, une interdiction de séjour à LaRéunion peutêtre prononcée, les obligeant à retourner à Mayotte. Cette mesure, déjà appliquée en métropole, réduirait la récidive et enverrait un message clair.
  • –  Pour tous les délinquants, quelle que soit leur origine, la justice doit être rapide et efficace, avec des sanctions proportionnées aux faits.

Cependant, la répression seule ne suffit pas. Il faut également investir massivement dans l’avenir des jeunes, en développant des programmes éducatifs et professionnels pour leur offrir de véritables perspectives d’avenir.

Vers une société apaisée : quelles solutions ?

La Réunion, riche de son histoire et de sa diversité, peut devenir un modèle d’inclusion et de coexistence. Mais cela nécessite un effort collectif :
– Dépasser les stigmatisations et reconnaître les véritables causes des tensions.

  • –  Agir sur les inégalités sociales et territoriales.
  • –  Renforcer les sanctions contre les fauteurs de troubles tout en investissant dans la jeunesse.Il est temps d’abandonner les postures idéologiques et de construire un avenir commun, loin des préjugés et du repli identitaire. La Réunion mérite mieux que la peur et la division : elle a besoin d’un projet ambitieux, porté par et pour tous ses habitants ».

     

     

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

11 Commentaires

  1. un jour ma mère m’a raconté que quand elle était petite elle devait avoir 10 ans , les gens avaient des tickets pour avoir 1 kg de sucre mais il fallait faire des kms a pieds pour aller le récupérer, alors elle quittait saint Denis à pieds pour allez dans l’est , au milieu des champs de cannes les comoriens se cachaient pour voler ce sucre dans sa main mais ils prenaient le sucre et c’est tout , dans le temps il n’y avait pas autant de violence comme aujourd’hui, les maisons en tôle restaient ouvertes toute la journée il n’y avait pas de portail et on pouvait admirer les gros pots de capillaire posés sur le guéridon du salon avec un sol encaustiqué qui brillait de loin et dans un fauteuil au coin il y avait une grande poupée en plastique posé dans un des fauteuils. Bref dans le temps les gens pouvaient respirer, vivre , traverser des champs de canne sans se faire tuer ou taper dessus , on volaient parce qu’on avait faim . Il n’y avait pas de RSA , et tout le monde cherchait du travail . Les gens disaient bonjour pas comme maintenant… C’était la belle vie malgré la pauvreté.

  2. Merci pour votre analyse, construite et facilement compréhensible.
    je n’ai pas votre bagage littéraire sur le sujet. vous m’invitez, avec vos écrits, à consulter vos références.
    Merci.

    A chaud, ceci me gène :
    « Rénovation des logements sociaux et construction d’infrastructures adaptées. »

    Zac la Réserve ste Marie, construit il y a 10 ans, est abandonnée des pouvoirs publics :
    – un comité se forme pour dénoncer les normes incendies non respecté
    – des incendies régulièrement dans les immeubles/parking, sans que cela émeuve l’opinion publique
    – des parking inaccessible depuis octobre 2023 (résidence bisquine), sans que qui que ce soit bouge. Du coup, la rue des bardeaux collectionne les stationnements sauvages.

    ce n’est pas une « rénovation’ qui me semble nécessaire dans ces logements « cages-à-poules ».
    c’est une réorganisation de la vie quotidienne :
    – mise en place d’une conciergerie H24, capable de mettre en place des mesures coercitives (amendes)
    – augmentation des loyers pour les couples (déclaré ou non)
    – augmentation des loyers pour les personnes qui possèdent plus de 2 véhicules
    etc.

    Réorganisons les quartiers de résidences publics (logements sociaux) comme on réorganise les logements « privés (ghetto de riche).
    Ainsi, les habitants de ces quartiers (ou du moins, une partie « visible » de ces habitants) cultiveront le médiocre et le désespoir avec, il faut l’espérer, un peu moins d’hardeur…

  3. Haha…la blague…on a pas besoin de vous pour réfléchir et avoir une opinion…g pense se que g veut…point…on vous a jamais vu dans ses quartiers se promener la nuit sans garde du corps ou nervi…hein vous vous la joué kom mr le préfet et me l’a maire 80 force de l’ordre pour se déplacer

  4. mi lé à 200% d’accord avec moi, le mal est fait et surtout nous les réunionnais nous aime pas mélange à nous avec n’importe qui surtout pas cette communauté mal appris, sauvage, irrespectueux, paresseux, espère cuit , mal levé, mal appris, sens mauvais, dégueulasse et j’en passe, et à Alexandre emmène out case après on en reparle pour moi c’est non non et non aucune chance qu’on s’entende avec ses gens la mardi gras chacun son band pu l’heure pour faire le philosophe la monsieur

  5. AH ! Merci pour ce magnifique article qui va dans le sens de ce à quoi je pensais sur la situation.
    Je dis souvent : Regardez en metropole les problèmes que nous avons avec les gens issus de l’immigration .
    On les a mis de coté, on ne les veut pas comme voisins, on leur refuse le travail ou le logement au vu de leur nom, ect ect,…
    Et bien si vous les mettez de coté ils ne s’adapteront pas, ils resteront à part créant ainsi une communauté fermée et méfiante des autres.
    Tout le reste est trop bien dit dans cet article et je fais ce rapprochement afin que l’on ne fasse pas les même sottises qu’en france.
    Merci encore pour cet article écrit par un expert dans le domaine, ainsi qu’à freedom bien sûr.

  6. blablabla… ces gens n’ont rien de commun avec nous. Ils n’ont pas envie non plus de se fondre dans la masse, de s’intégrer. Aucun atome crochu avec les Réunionnais. Le premier ministre vient de déclarer que l’immigration est une question de proportion. Lorsque le nombre d’arrivants dépasse un certain seuil, il y a rejet. Et il rajoute que pour la Métropole ce seuil est en passe d’être atteint. Pour la Réunion aussi hélas. Quand en plus ces arrivants non contents de trouver une terre d’accueil à laquelle ils devraient manifester reconnaissance matin et soir se livrent à des actes de violence, alors oui, le rejet devient légitime. Le constat est aujourd’hui que le mal est fait et que je ne vois pas de possibilité de faire machine arrière. Dans ces conditions, je crains qu’une guerre civile dans l’avenir paraisse inévitable. Les politiciens, personnages éphémères et inconséquents lâchent leurs bombes et s’en vont, au peuple de subir… jusqu’à quand?

    • Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Personne y sar pas contredit toute son bagage intellectuel. Li la apprende dan livre. Na un tas la apprende dan la rue. Quand ou fait détrousse aou par des malfrats à peine pli âgés que 16 ans la philo y fait pas lo poids.

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