St-Denis : elle a tenté de tuer sa copine de Prépa à coups de couteau… et n’a jamais été inquiétée par la justice

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Une affaire classée ? En tout cas, Christina, la victime, aujourd’hui âgée de 23 ans, qui porte encore les stigmates des coups de couteau à l’épaule droite, aux cuisses, au dos et des deux côtés du cou, n’a plus jamais eu de nouvelles de la justice réunionnaise, pas même de son avocat de Saint-Pierre, de cette tentative d’assassinat dont elle a fait l’objet le 28 mai 2018. Elle avait 18 ans. 4 ans plus tard, elle n’a toujours pas eu la moindre explication de la part de l’institution judiciaire. Elle ne sait même pas s’il y a eu un procès, si l’affaire a été instruite, jugée. Où en est sa plainte, déposée le 29 mai 2018, au commissariat Malartic à Saint-Denis ? Elle n’en sait strictement rien. Motus et bouche cousue du côté des autorités comme si celles-ci voulaient « camoufler » cette affaire très grave.

Actuellement en vacances dans son île natale, Christina a souhaité raconter à un média ces quelques minutes cauchemardesques qu’elle a vécues en mai 2018, durant lesquelles elle a failli perdre la vie, victime manifestement du « pétage de plombs » d’une des copines de classe Prépa Commerce du lycée de Bellepierre.

Suite à cette terrible agression au couteau, Christina a dû changer son parcours universitaire; Quelques mois après cette agression, Christina a en effet préféré aller « se réfugier » en métropole en compagnie de son petit ami Vincent, de peur « d’être de nouveau attaquée gratuitement » par cette copine de classe qu’elle ne connaissait pas vraiment et qui, manifestement, n’a jamais été inquiétée par la justice. Une jeune femme « potentiellement dangereuse » qui continuerait à vivre en toute liberté. A-t-elle fait au moins l’objet d’un traitement psychiatrique ?

Même si cette histoire ressemble à une fiction sortie tout droit d’une série de Netflix, elle est pourtant bien réelle. Elle fait froid dans le dos !

Notre journaliste Yves Mont-Rouge a rencontré Christina, hier après-midi (lundi 24 janvier 2022), chez ses parents, en présence de Vincent, son compagnon, de sa sœur et de sa belle-sœur. Elle en parle toujours avec une certaine angoisse. Elle ne s’en est pas encore totalement remise de cette « attaque au couteau » survenue durant la première partie de la nuit du 28 mai 2018, le lendemain de la fête des pères. Pas de photo, pas d’enregistrement. Elle a peur d’être localisée géographiquement, d’être reconnue par sa voix et d’être poursuivie par cette fille qui se trouve peut-être encore dans la nature…

« Aux environs, toute voilée de noir, elle s’est retrouvée dans mon appartement à Saint-François et m’a sauté dessus avec un grand couteau dans sa main »

« Juste après mon bac en juin 2018, j’ai été admise en Prépa Commerce au lycée Bellepierre à Saint-Denis. J’avais tout juste18 ans. Avec mon petit ami Vincent, nous avions trouvé un petit appartement du côté de Saint-François dans les hauts de Saint-Denis. Je devais prendre deux bus à des horaires bien précis pour me rendre à l’école, à Bellepierre. La rentrée s’est très bien passée. On devait souvent travailler par groupe. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de X (nous ne donnerons pas son prénom). Elle n’était pas originaire de la Réunion, ni de métropole mais vraisemblablement d’une île de l’océan Indien. Elle portait le voile même en classe. Je ne la connaissais pas spécialement. On se voyait uniquement en cours, puis pendant les préparations des colles. Sans plus. Je ne la fréquentais pas en dehors de l’école. Ce n’était pas mon amie. Je ne l’avais jamais invitée chez moi à mon appartement, ni chez mes parents. Heureusement ! »

Dix mois après la rentrée scolaire, en mai 2018, « c’était un lundi », se rappelle Christina, « je me rends un instant, en fin d’après-midi, chez une de mes tantes à Sainte-Marie. Je reçois un appel sur mon portable. Un appel passé depuis un téléphone fixe. Je réponds. La personne au bout du fil se fait passer pour une connaissance d’une de mes amies qui réside à Marseille. Elle me dit qu’elle a un objet à me remettre de la part justement de mon amie de Marseille. Je trouve ça bizarre. D’autant qu’il me semble avoir reconnu la voix de cette camarade de classe, notamment en raison de son accent qui n’est pas réunionnais. Arrivée à mon appartement, j’appelle mon amie de Marseille qui m’explique qu’elle n’a jamais laissé à personne un quelconque objet à me remettre. Vers 20h30, je décide alors de composer le numéro du fixe d’où avait émané l’appel. Je tombe sur une femme avec un accent. Laquelle me dit qu’elle ne m’a jamais appelé et me précise que c’est peut-être sa fille, X, celle-là même à qui j’avais tout de suite pensé en reconnaissant précédemment sa voix au téléphone. X nie tout appel, m’insulte et me signale qu’elle a déjà supprimé mon numéro de son répertoire téléphonique. Ça devient de plus en plus bizarre. Je lui laisse entendre qu’on verra tout cela le lendemain à l’école ».

Mais Christina est à mille lieux d’imaginer ce qui va se produire. Aux environs de 22 heures, ce lundi 28 mai 2018, juste après le dîner, son ami Vincent sort promener le chien. De son côté, Christina termine la vaisselle tranquillement. Elle entend un bruit, pense que Vincent et le chien sont de retour. Elle se retourne, aperçoit une silhouette s’avancer vers elle, avec un grand couteau dans la main droite. «Elle portait un voile noir sur le visage mais je l’ai tout de suite reconnue par ses lunettes rouges. C’était une fille de ma classe, celle qui venait de m’insulter au téléphone en niant l’appel depuis un fixe. Elle m’a brutalement sauté dessus en me frappant avec le couteau. C’était comme dans un film d’horreur. J’ai essayé d’esquiver les coups, mon réflexe a été de me protéger. Je suis tombée et elle m’a assené des coups de couteau violents. J’ai été blessée une première fois à l’épaule droite, puis aux deux cuisses. A un certain moment, je me suis retrouvée sur le point de la désarmer mais elle a changé l’arme de main et m’a mordu le bras. Elle m’a blessé au dos ainsi que des deux côtés du cou. J’ai essayé de saisir le premier truc qui m’est passé sous la main ; Une casserole, pour me défendre. Je criais. J’ai pu lui enlever ses lunettes, son voile… C’était bien X. Je l’ai reconnue. Alerté par le bruit, un voisin est arrivé et a vu ce qui se passait dans l’appartement car la porte était restée ouverte. Puis d’autres voisins ont accouru. X a pris la fuite. Moi j’étais assise, tétanisée, dans une mare de sang. Les murs étaient recouverts de sang. Sur le coup, je ne m’étais pas encore rendu compte de la gravité de mes blessures. Des plaies profondes à l’épaule droite et aux cuisses, sans oublier le cou. Vincent, de retour de la promenade avec le chien, m’a vu dans cet état, il s’est précipité vers moi, puis m’a transporté à l’extérieur de l’appartement en attendant l’arrivée de l’ambulance qu’avaient appelée les voisins. J’ai vu X dans la cour, suspendue à son téléphone. J’ai crié : c’est elle, là-bas ! Mais elle s’est aussitôt enfuie ».

Christina a été prise en charge par les secours et conduite aux urgences au CHU. X aussi se retrouvera dans la nuit à l’hôpital pour se faire soigner des « blessures qu’elle serait faites elle même pour faire croire qu’elle a été agressée par moi », souligne Christina. « Mais pendant qu’elle recevait des soins, elle continuait à m’envoyer des textos menaçants. Il était prêt d’1 heure du matin » (voir ci-dessous le document qui figure dans le dossier de la police).

Trois heures après l’attaque au couteau, la jeune femme a encore envoyé des textos menaçants à sa victime.

« Le lendemain matin, mardi 29 mai 2018, je suis allée porter plainte au commissariat Malartic contre cette jeune élève de ma classe. Ma famille a voulu alerter les médias. La police ainsi que le lycée de Bellepierre ne voulaient absolument pas qu’on le fasse. Ils nous ont interdit de le faire. La police nous a expliqué qu’on avait droit à un avocat de l’ARAJUFA. N’ayant pas beaucoup de moyens, mes parents ont accepté, dans un premier temps, cet avocat d’office, qui se trouvait être un élu municipal d’une petite commune de l’Est de la Réunion. Visiblement, il n’a rien fait du tout. Il n’a plus jamais donné signe de vie. Nous n’avons eu aucune nouvelle de l’enquête. Décidée à obtenir justice, ma mère a pris toutes ses économies et a fait appel à un avocat très connu à Saint-Pierre… »

« 4 ans après cette violente attaque au couteau, je n’ai plus jamais eu de nouvelles de la justice : pas de confrontation, pas de procès. Rien ! »

Presque 4 années se sont écoulées depuis cette tentative d’assassinat. « Je dis assassinat car tout laisse à penser que l’auteure avait prémédité son coup. Déjà, il fallait savoir où j’habitais. Sans compter que pour se rendre chez moi, il fallait prendre deux bus qui passent à des heures bien précises. Pour s’enfuir et rentrer chez elle bien après 22 heures le soir de l’agression, je me demande quel transport elle a pu bien prendre… Quatre ans plus tard, en dépit de toutes mes blessures physiques et psychologiques, en dépit de ma plainte à Malartic, en dépit de la prise en main du dossier par un avocat ténor du barreau, payé par mes parents qui, socialement, sont modestes, il n’y a plus rien de cette affaire. Il n’y a jamais eu de procès, pas même la Correctionnelle pour cette jeune femme qui a failli me tuer avec son couteau spécialement aiguisé car elle voulait en finir avec moi, paraît-il. Pour quelles raisons ? On ne se parlait quasiment pas si ce n’est que pour la préparation des devoirs en commun… A se demander s’il existe vraiment une justice dans ce pays ! Sans doute aurait-il fallu que je perde la vie pour que mes parents puissent savoir ce qui a bien pu pousser cette élève à monter tout un stratagème pour m’éliminer ! ». Les parents de Christina sont également très déçus par le comportement de leur avocat qui ne répond même plus à leurs appels.

« Pendant ce temps, X, qui avait déjà violemment agressé verbalement un de nos profs à l’époque, doit mener sa vie comme si de rien n’était. Il s’agit quand même d’une tentative d’homicide au couteau. Il ne s’agit pas d’une engueulade ou de deux gifles. Pourquoi la justice camoufle-t-elle cette affaire ? Pourquoi n’a-t-elle pas cherché à connaître la vérité, à comprendre le mobile de cette jeune femme qui, quoique la justice puisse en penser, doit avoir toute sa tête pour avoir pu intégrer une Prépa ? Qui la justice cherche-t-elle à protéger ? ». De multiples questions que se posent sans cesse Christina qui, moralement, tente tant bien que mal à se reconstruire, loin de son île natale. Elle vit toujours dans la peur d’être un jour attaquée chez elle. Ou dans la rue.

Connaîtra-t-elle un jour la vérité ? L’affaire, aussi grave soit-elle, paraissait pourtant, d’un point de vue judiciaire, très simple et rapide à boucler : une attaque au couteau, plusieurs coups portés par une personne majeure sur une autre personne majeure avec l’intention manifeste de tuer, des blessures physiques profondes, une préméditation qui ne fait aucun doute (les appels téléphoniques, les textos), l’auteure des coups rapidement identifiée, interpellée, auditionnée… Puis, plus rien ! Le vide intersidéral. Le silence total. Un peu comme si les enquêteurs (policiers de Malartic), avocats et juge s’étaient donnés le mot pour se complaire dans un mutisme complice et abandonner ainsi une étudiante victime à jamais marquée (au sens propre comme au sens figuré) par cette terrible attaque au couteau. Où en est ce dossier ? Volontairement oublié dans un tiroir poussiéreux ou intentionnellement jeté à la poubelle ? La famille de Christina devrait peut-être saisir la défenseure des Droits de l’Homme à Paris en espérant l’ouverture d’une nouvelle enquête !

Y.M.

([email protected])

 

 

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

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