10 mai 1981/10 mai 2006 : entre commémoration de la traite négrière et 40 ans de « l’avènement Mitterrand »

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Découvrez les tribunes de Didier Robert, d’Aline Murin-Hoarau et de Salim Nana-Ibrahim !

C’est un communiqué de Didier Robert, président de Région : « 10 Mai – date commémorative  « Fier de ce que nous sommes , et regarder vers le monde. Notre histoire est notre force »

La date du 10 mai a été déclarée dès 2006, Journée de commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition à la demande du Président de la République, Jacques CHIRAC. Au-delà des débats et divergences sur les dates de célébrations différentes en fonction des territoires, Didier Robert a tenu à marquer ce jour d’une façon particulière. A La Réunion, la date du 20 décembre reste en effet celle qui acte la fin de l’esclavage et signe un renouveau pour l’île, ses femmes et ses hommes.

C’est à Saint-Paul, non loin du cimetière marin où est couchée l’affranchie Delphine Helod que s’est tenue la rencontre avec des jeunes réunionnais, des historiens et des représentants d’associations : Prosper Eve, Frédéric Vefour, Marie-Josée Karaké, René Lemayen , Mohamed Elanrif Bamcolo, Marie-Lyne Champigneul et Philippe M’Roimana de l’association Kartié Lib MPOI.

Un échange fort autour de la Place de l’Histoire de La Réunion, des enjeux de la connaissance et de la transmission, ainsi que de la dimension de respect et de vivre ensemble qui caractérise La Réunion, qu’il faut nourrir, préserver.

Le candidat a échangé sur le rôle de l’acteur public aux côtés des associations « pour participer davantage à la transmission, à la connaissance de cette histoire qui fait de chaque Réunionnais ce qu’il est aujourd’hui. Un récit rattaché à l’histoire de notre peuplement, à la diversité de nos origines, à nos blessures et à cette période de l’esclavage, mais aussi à nos découvertes extraordinaires à l’image de celle d’Albius et bien d’autres… un récit qui s’inscrit dans le récit plus large de l’océan Indien et le récit national et européen aujourd’hui naturellement. Le saccage d’un temple ces jours derniers à Saint-André me renforce dans cette responsabilité que nous avons de mieux partager notre histoire, nous comprendre, nous respecter. C’est cette ambition que nous devons porter ensemble. En tant qu’acteur public, bien sûr, nous avons engagé un certain nombre d’actions : les programmes de réhabilitation du patrimoine, le soutien aux associations, l’organisation d’événements et colloques, la réalisation de supports et d’outils pédagogiques… il nous faut aujourd’hui clairement inscrire d’autres actes forts pour l’appropriation de notre histoire ».

Ils ont dit :

Prosper Eve, Professeur

« La multiplicité des dates – le 20 décembre, le 10 mai, le 23 mai… – est une réalité, oui, mais le plus important, c’est la reconnaissance, le plus important, c’est de parler de notre histoire.

Le fond de l’histoire de La Réunion, c’est une dynamique. L’île appelle à la transcendance. Le Réunionnais, de par son histoire, est un débrouillard. Il sait mobiliser son énergie pour gagner la partie haute et vivre libre. Il faut chaque matin regarder le Piton des neiges. Viser loin, c’est cela être réunionnais. Nous avons besoin de l’histoire, notre propre histoire individuelle, l’histoire familiale, l’histoire de notre île, de notre pays… pour nous construire. Le contexte du Covid nous apprend que nous devons compter sur nous mêmes alors oui, il nous faut être ingénieux et trouver nos propres solutions pour nous nourrir d’abord. »

Marie-Lyne Champigneul, Présidente de Kartié Libre

« Je veux parler des associations civiles qui font bouger les choses et qui poursuivent aussi un combat porté par Sudel Fuma. Celui de la prison de Juliette Dodu comme véritable site mémoriel qui pourra réunir l’histoire de l’esclavage et, au-delà, l’histoire de La Réunion.»

Romain, jeune Réunionnais

« Nous n’avons pas appris à l’école notre histoire et cela nous a manqué. Lorsque j’ai eu la chance de partir pour mes études, j’aurais aimé partager mon histoire et la raconter aux autres. Nous n’avons pas eu ce bagage et pourtant nous avons cette envie de nous ouvrir au monde avec notre culture et la partager. »

Aline Murin-Hoarau : « 10 Mai, l’Outre- Mer se souvient de l’esclavage … Nout listoir lé Endemik »

« Depuis 2006, la France commémore officiellement le 10 mai, journée nationale des Mémoires de la Traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, alors qu’une dizaine de dates de commémorations locales coexistent en Outre-Mer. Ce temps de commémoration et de bilan coïncide cette année avec les 20 ans de la loi Taubira. Celle-ci a permis la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Il est à souligner que les territoires ultramarins ont tous des dates de commémoration inhérentes à leurs histoires. A la Réunion, c’est le 20 décembre, la Fetkaf.

Il est vrai hormis la municipalité de Sainte-Suzanne, très peu de communes commémorent officiellement le 10 mai. Et pourtant, elle a du sens cette date car elle permet de rassembler toutes les autres dates commémoratives autour de l’esclavage pour valoriser l’apport des Outre-Mer et des populations qui en sont issues.

L’esclavage, ce martyre millénaire suscite cette épuisable source d’amère polémique. Cette barbarie perpétrée au nom de la civilisation a déshumanisé des milliers d’hommes et femmes. La Réunion porte encore les stigmates de cette longue torture, géhenne qu’était l’esclavage. Cette commémoration prend place dans une fenêtre particulière cette année.

La transmission, la connaissance, la construction d’une mémoire apaisée pour un avenir partagé sont importants pour une meilleure reconnaissance de l’histoire de l’Outre-Mer. Notre patrimoine, notre histoire, notre culture et arts créoles doivent réconcilier les mémoires et réunir. A La Réunion, le décès de l’historien Hubert Gerbeau le 3 avril dernier a fait resurgir les débats sur l’enseignement de l’histoire locale dans les écoles ultra-marines. Cet historien, qui a enseigné en Guyane, en Martinique et à La Réunion où il a marqué son empreinte, a réalisé les premières recherches jamais réalisées sur l’esclavage, un sujet qui était jusqu’alors encore tabou, cette histoire du silence sur le sol réunionnais. D’autres historiens comme Sudel Fuma et Prosper Eve s’appuieront et enrichiront ses recherches.

Cette commémoration prend également place un an après le mouvement de déboulonnement des statues qui a eu lieu en mai-juin dernier. Dans plusieurs départements Outre-Mer et dans plusieurs pays, des statues publiques qui faisaient partie du paysage sont dégradées par des militants considérant que le rôle des populations noires dans l’abolition de l’esclavage était insuffisant dans le l’histoire nationale. Ce mouvement a fait soulever en Outre-Mer le débat sur la légitimité des plaques et des statues représentant des figures de l’ère esclavagiste et colonial, créant une forte demande par les populations de disposer d’un meilleur accès à l’enseignement de leur histoire locale.

Enfin, la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion déposée le 30 décembre 2019 par le député Paul Molac a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Il ne s’agit plus désormais d’opposer les appartenances et les territoires. Les langues régionales, comme nout lang kréol, considérée par certains de langue « K, K », sont une richesse qui transcendent les particularismes des appartenances singulières pour les unir dans une communauté de destin. Nos classes bilingues français-créole sont aussi un appui à cette reconnaissance historique et comme mesure de lutte contre l’illettrisme. Si ce dispositif existe et a gagné en importance depuis 2003, il reste encore à concrétiser et à expérimenter davantage. Le plurilinguisme constitue un atout à utiliser dans les autres disciplines, qui permettra aux élèves d’avoir une meilleure connaissance de leur culture et de leur histoire.

Ainsi ce 10 mai 2021 interroge à nouveau sur la place accordée à l’histoire de l’Afrique dans sa globalité avec celle de l’histoire de la France afin de ne plus semer ces germes de séparatisme qui pourraient fragmenter la communauté républicaine. De la même façon que le combat pour un enseignement immersif en créole dans les écoles doit se poursuivre pour engager la réconciliation des mémoires par l’enseignement de l’histoire locale et la valorisation de personnalités historiques ultramarines. Car force est de constater que l’histoire des départements d’Outre-Mer fait encore l’objet de zones d’ombre. Même si des efforts sont faits pour faire connaitre l’histoire des ultra-marins, nous sommes encore souvent déconnectés et coupés de notre propre histoire et de nos propres origines. Les vieilles caricatures “Nos ancêtres les gaulois” critiquées, sont de moins en moins acceptées dans une France qui est Pacifique, Atlantique et Océano-Indienne. Pour une mémoire collective ultramarine sans déni ni accusation historique, il est aussi important de compléter les plaques des statues de personnalités de l’histoire esclavagiste et coloniale qui les décrivent, pour reconnaître cette partie de l’histoire souvent omise ou mise de côté. Les figures ultramarines comme les esclaves, les résistants et les marons ( Anchaing, Simangavole, Heva … ) permettraient de mettre davantage cette autre partie de l’Histoire de l’Outre- Mer en lumière. Voilà une des réponses dans la demande de la reconnaissance historique et mémorielle. « Un pays s’honore toujours à regarder avec courage et lucidité son Histoire. Nous devons connaître et reconnaître les ombres et les lumières qui font notre passé collectif ».

Salim Nana-Ibrahim : 40 ans après le 10 mai 1981 : le renouveau !

C’est un communiqué de Salim Nana-Ibrahim, secrétaire de la section PS de Saint-Paul.

Il y a 40 ans, jour pour jour, avec l’élection de François Mitterrand, une vague d’espoir submergea la France. Le 10 mai 1981, un vent de modernité et de progrès social souffla sur notre pays. Au niveau national, ce fut entre autres : le renforcement des libertés publiques, le pluralisme des médias, l’abrogation de la peine de mort, la revalorisation du SMIC et des allocations familiales, le prix unique du livre, la fête de la musique…

Au niveau local, ce fut un véritable bouleversement des équilibres avec les lois de décentralisation, faisant la part belle à la démocratie locale et aux spécificités de chaque territoire. Particulièrement à la Réunion, la politique socialiste du Président Mitterrand changea durablement et favorablement la vie de chacun.

Rattrapage avec la France Hexagonale des prestations sociales, familiales et des bas salaires, libération des ondes FM symbolisée par la naissance de Radio Freedom, reconnaissance de l’identité et de la culture réunionnaise au sein de la République avec le 20 décembre rendu férié… Il est nécessaire en ce jour anniversaire de se souvenir. Se souvenir et saluer l’immense héritage politique qui nous fut légué.

Mais se souvenir n’est pas suffisant, il nous faut aussi, en toute responsabilité, être lucide sur la situation actuelle et nous projeter dans l’avenir. Aujourd’hui, nous constatons que la Réunion est dans la même impasse qu’avant le 10 mai 1981, dans la même torpeur funeste pour notre épanouissement collectif et individuel.

Les bilans des présidents sortants des deux grandes collectivités que sont le département et la Région sont similaires : immobilisme, archaïsme. Notre île doit connaître à nouveau la même vague d’espoir, le même vent de modernité et de progrès social. Pour cela, un changement radical de paradigme est nécessaire. Tant sur la manière d’être des élus, que sur leur façon de faire. Une alternative doit s’opérer à la tête de la Région et du Département. Aujourd’hui, en 2021, 40 ans après l’espoir socialiste né le 10 mai 1981, le temps est venu, d’un véritable renouveau ».

 

 

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

2 Commentaires

  1. Didier robert devrais un peu la fermé. Il font parti de ses gens qui aiment commander et dirigé à son intérêt et quand ça lui plaît pas c’est la porte ou la justice. Pour moi c’est toujours de l’esclavage et tant qu’il y aura des politiques il y aura de l’esclavage parce que c’est eux qui décide comment doit vivre les humains. L’esclavage à juste changé de forme pour s’en débarasser faudra attendre notre dernier soufle.

  2. Ceux qui n’ont pas eu plus de 20 ans en 1981 ne peuvent pas en parler et Monsieur Bertile Wilfrid évoque trois orientations ont changé la vie réunionnaise : la reconnaissance de l’identité ; l’accès à la responsabilité ; la triple insertion de notre île dans la France, dans l’Europe et dans l’océan Indien.
    Comme les autres Français, les Outre-mer ont bénéficié de la politique de « changement » mise en œuvre pour l’ensemble de la République. Elle a comporté des mesures économiques comme la maîtrise de l’inflation qui était alors à deux chiffres. Elle a multiplié les mesures sociétales comme l’abolition de la peine de mort, le développement des droits des femmes, l’instauration des radios et des télévisions libres… Elle s’est déployée dans le domaine social avec l’augmentation du Smic, des prestations sociales et familiales ; L’instauration du RMI par la création de l’impôt sur la fortune que Macron a supprimé, la création des Zones d’éducation prioritaire ; l’instauration de la 5e semaine de congés payés ; l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans au lieu de 65 ; les lois Auroux sur les droits des travailleurs dans l’entreprise… Le lendemain 11 mai 1981, une campagne publicitaire pour une lessive disait :  » que ça sent bon le propre était sur des affiches placardées dans toute l’île « .

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