Retour sur la crise sanitaire : les entreprises réunionnaises affichent leur solidité

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Les entreprises réunionnaises ont subi de plein fouet la crise sanitaire de la Covid-19, avec une baisse de leur chiffre d’affaires de 3,7 % en 2020 par rapport à 2019. Bien que sévère, cette baisse est près de deux fois moins forte que celle observée en France hors DROM (-7,8 %). Elle touche davantage les entreprises de taille intermédiaire (-9,3 %) et les activités touristiques (-34,6 %). Cependant, la capacité bénéficiaire des entreprises réunionnaises est moins impactée qu’attendu, en raison d’ajustements réalisés sur leurs consommations intermédiaires et des mesures de soutien.

Les entreprises se sont significativement endettées en 2020, mais cet endettement supplémentaire reflète essentiellement la souscription de prêts garantis par l’État (PGE) dans une logique de précaution. En effet, une grande partie des sommes empruntées sont venues conforter les trésoreries des entreprises réunionnaises. En 2020, la trésorerie progresse de 17 jours de chiffre d’affaires (CA) en moyenne.

La baisse, même légère, des marges des entreprises en 2020 associée à la hausse significative de leur endettement pourrait laisser craindre une augmentation de leur vulnérabilité financière, mais, à l’analyse, les inquiétudes sont assez modérées. Seuls 4 % des entreprises montrent des signes forts de vulnérabilité. À l’inverse, une grande majorité des entreprises ont fait preuve de résilience durant cette crise exceptionnelle.

Depuis 2020, la succession des vagues épidémiques liée à la Covid-19 et la guerre russe en Ukraine ont continué à perturber l’activité économique de l’île. Pour autant, l’économie réunionnaise demeure vigoureuse (+6,7 % de croissance économique en 2021) et les entreprises réunionnaises semblent armées pour faire face à ces temps incertains.

Le taux de marge des entreprises a résisté à la chute d’activité

L’activité des entreprises de taille intermédiaire se contracte davantage que celle des PME

En 2020, le chiffre d’affaires (CA) des entreprises réunionnaises répertoriées dans le fichier FIBEN, c’est-à-dire avec un chiffre d’affaire supérieur à 750 000 euros, se contracte de 3,7 % par rapport à 2019 (graphique 1a). Cette baisse reflète la chute d’activité liée à la crise sanitaire et en particulier aux mesures prises pour freiner la circulation du virus. Bien que sévère, cette baisse est près de deux fois moins forte que celle observée en France hors DROM (-7,8 %). Elle est également moins élevée que celle de l’ensemble des entreprises ultramarines1 (-4,7 %).

Cette évolution du CA varie selon le secteur d’activité et la taille de l’entreprise. Ainsi, les entreprises qui opèrent dans le secteur du tourisme sont les plus durement touchées par la baisse d’activité : leur CA chute de 34,6 % sur un an. Viennent ensuite les entreprises des secteurs de la construction (-10,5 %), de l’agriculture-sylviculture et pêche (-10,1 %), puis de l’industrie (-3,1 %). Le CA des entreprises du secteur du commerce stagne quant à lui (+0,1 %). Enfin, le CA dans les secteurs des services aux entreprises (+1,4 % en 2020) et des services aux ménages (+1,5 %) ralentit fortement à défaut de baisser. Ces évolutions sectorielles confirment les déclarations des chefs d’entreprise interrogés dans le cadre de l’enquête de conjoncture de l’IEDOM2.

Surtout, les situations des petites et moyennes entreprises (PME) et des établissements de taille intermédiaire (ETI) divergent fortement en 2020. Le choc apparaît significativement plus fort pour les ETI, dont le CA diminue de 9,3 % par rapport à 2019. Les PME semblent être épargnées, puisque leur CA augmente légèrement sur la période (+0,5 %).

D’une part, ce résultat s’explique par la composition sectorielle des PME et des ETI. Les PME sont relativement plus nombreuses dans le secteur du commerce, où l’activité est restée stable en moyenne en 2020. À l’inverse, les ETI sont surreprésentées dans les secteurs qui ont le plus souffert de la crise sanitaire (tourisme, construction). D’autre part, face aux conséquences de la crise sanitaire, les petites structures économiques se seraient réorganisées avec plus de souplesse que les structures de taille intermédiaire, ces dernières optant pour la fermeture de certains de leurs établissements en attendant la reprise.

Une capacité bénéficiaire moins impactée qu’attendu

La valeur ajoutée (VA) générée par les entreprises réunionnaises baisse de 3,7 % en moyenne en 2020, soit un repli d’une ampleur semblable à celui de l’activité. Cette concomitance reflète la capacité des entreprises à s’adapter à leur niveau d’activité. À cet égard, les ETI s’avèrent plus efficaces, avec une diminution de leur VA moins forte (-8,4 %) que celle du CA (-9,3 %). Elles ont en revanche plus de difficultés à ajuster leurs charges de personnel. Celles-ci baissent de 4,2 %, ce qui a pour conséquence de faire chuter leur excédent brut d’exploitation (EBE1) de 13,2 % cette année-là. L’EBE stagne quant à lui pour les PME (-0,1 %). Comptabilisées en subventions d’exploitation, les aides du fonds de solidarité sont intégrées dans le calcul de l’EBE et ont pu contribuer à creuser l’écart entre ETI et PME en termes d’évolution de l’EBE, puisque les PME en ont été les principales bénéficiaires. Toutes entreprises confondues, l’EBE recule de -5,0 % en 2020.

Compte tenu de la baisse légèrement supérieure de l’EBE par rapport à la VA, le taux de marge (défini précisément comme le rapport de l’EBE sur la VA) des entreprises réunionnaises recule modestement (-0,4 point) sur un an. Il s’établit à 30,0 % en 2020. Dans le détail par taille d’entreprise, les ETI voient leur taux de marge fléchir de 1,4 point, tandis que celui des PME reste stable. S’agissant de la répartition sectorielle de cette contraction, le taux de marge diminue principalement dans les secteurs les plus touchés par la crise, à savoir les activités touristiques (-21,3 points), l’agriculture et la pêche (-16,8 points) et la construction (-9,9 points).

Cette baisse de la capacité bénéficiaire est nettement moins marquée qu’en France hors DROM (-1,9 point). La Réunion affiche un taux de marge moyen près de 8 points supérieurs au niveau national (22,2 %). Cet écart dépasse +10 points pour les PME réunionnaises et +5 points pour les ETI de l’île. Au-delà de la chute d’activité plus prononcée dans l’Hexagone que dans le département, cette capacité bénéficiaire globalement supérieure s’explique aussi par un effet de composition sectorielle (le poids des services, où les taux de marges sont plus élevés, est plus important à La Réunion). Par ailleurs, les entreprises ultramarines bénéficient d’exonérations de cotisations sociales, qui viennent alléger les charges de personnel supportées par les entreprises et ainsi améliorer leur profitabilité.

Les entreprises se sont endettées, mais par précaution

La hausse de l’endettement des entreprises est liée aux PGE…

Les entreprises se sont significativement endettées en 2020. Leur taux d’endettement brut, qui rapporte l’endettement financier aux capitaux propres, progresse de 6,5 points en un an, passant de 94,5 % en 2019 à 101,0 % en 2020. Cette hausse concerne toutes les tailles d’entreprise, mais elle est plus marquée pour les ETI (+13,0 points) que pour les PME (+3,8 points). Elle touche également tous les secteurs, hormis celui des services aux ménages. Ainsi, le taux d’endettement brut s’accroît de 40 points en moyenne dans le tourisme et de près de 21 points dans la construction.

Cette hausse de l’endettement des entreprises reflète essentiellement la souscription de prêts garantis par l’État1 (PGE). À juin 2022 (date de fin du dispositif2), les banques ont octroyé 1,1milliard d’euros de PGE à 7 241 entreprises réunionnaises. Hors PGE, le taux d’endettement brut baisse de 3,1 points en 2020 pour s’établir à 91,4 %. Cette évolution peut être mise en perspective avec la baisse des besoins de financement des entreprises.

…qui n’ont été que partiellement utilisés

Une grande partie des PGE n’a pas été consommée en 2020. Les sommes empruntées sont venues conforter les trésoreries des entreprises réunionnaises afin de constituer des encaisses de précaution. Ainsi, le taux d’endettement net de la trésorerie s’inscrit en repli de 3,4 points. On observe la même tendance parmi les PME avec un taux d’endettement net en baisse de 6,2 points. Le taux d’endettement des ETI s’inscrit quant à lui en hausse de 2,6 points.

Cet endettement de précaution s’observe notamment dans les secteurs des services et dans le commerce, où les taux d’endettement net restent stables ou diminuent, ainsi que dans la construction. À l’inverse, une partie de l’endettement nouveau dans les activités touristiques a déjà été consommée, ce qui accroît son endettement net passant de 19,1 % en 2019 à 35,9 %.

En 2020, la trésorerie des entreprises réunionnaises s’est donc renforcée. Rapportée au CA 20193, elle progresse de 17 jours, passant de 77 jours de CA en 2019 à 95 jours de CA en 2020. Les dispositifs d’aide publique, dont le PGE et les reports d’échéances fiscales et sociales, constituent un canal essentiel de hausse de la trésorerie des entreprises.

Ce renforcement des trésoreries concerne aussi bien les PME (+21 jours de CA) que les ETI (+12 jours) et touche tous les secteurs, hormis l’agriculture et la pêche (-4 jours de CA). Cet accroissement de trésorerie va de 20 jours de CA en moyenne pour les entreprises des secteurs du commerce et du tourisme jusqu’à 28 jours dans les services aux entreprises. La trésorerie augmente plus modérément dans l’industrie (+4 jours).

Des entreprises réunionnaises solides financièrement, malgré des inquiétudes

Un endettement qui questionne marginalement sur leur capacité à rembourser

La baisse (même légère) des marges des entreprises en 2020 associée à une hausse significative de leur endettement peut faire craindre une augmentation de leur vulnérabilité financière. Dans le détail, cette dernière s’examine en croisant l’endettement net des entreprises et leur capacité d’endettement, mesurée par le ratio de dettes financières sur la capacité d’autofinancement nette (CAF nette). La CAF désigne les ressources internes générées par le cycle d’exploitation de l’entreprise qui permettent d’assurer son financement. La CAF nette correspond à la CAF moins les dotations nettes aux amortissements et provisions.

Comme vu précédemment, la faible utilisation des PGE, dont une grande partie se trouve encore sur les comptes des entreprises fin 2020 réduit cette crainte. Seuls un tiers des PME et ETI de notre échantillon enregistrent ainsi une hausse de leur endettement net. En revanche, la capacité d’endettement s’est détériorée pour une majorité d’entreprises de l’échantillon, essentiellement du fait de la baisse de la CAF.

Une résilience d’une grande majorité des entreprises

Certaines entreprises suscitent plus d’inquiétudes compte tenu de leur situation financière, mais leur nombre semble être mesuré. En effet, seuls 4 % des entreprises montrent des signes forts de vulnérabilité, à savoir une capacité de remboursement supérieure à 4 années de CAF (seuil au-delà duquel elles éprouveront des difficultés à s’endetter davantage auprès des établissements de crédit) et un niveau de trésorerie inférieur à 30 jours de CA (généralement considéré comme un facteur de vulnérabilité en cas de choc externe). Ces entreprises vulnérables pourraient être confrontées à des difficultés si l’activité demeurait atone et/ou dès le début des remboursements des prêts contractés au plus fort de la crise. Elles sont présentes dans presque tous les secteurs de l’île, avec une plus forte concentration dans la construction (6,5 % des entreprises de ce secteur).

Une grande majorité des entreprises a fait preuve de résilience durant cette crise exceptionnelle. Les trois quarts des entreprises de l’échantillon n’ont pas connu en 2020 d’évolutions susceptibles de dégrader trop sévèrement leur situation financière. Un peu plus d’un quart ont même réussi, malgré la crise, à conforter leur trésorerie d’un montant supérieur à la hausse de leur dette, tout en améliorant leur capacité de remboursement.

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