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Wilfrid Bertile : « enjeux de notre temps »

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C’est une tribune libre de Wilfrid Bertile, conseiller régional, délégué à la Coopération régionale et internationale. Universitaire à la retraite, agrégé de Géographie, il a été également député-maire socialiste de Saint-Philippe.

« La mondialisation actuelle s’est faite sous l’égide du capitalisme néo-libéral financiarisé. Elle affiche une certaine efficacité économique, mais multiplie les crises, creuse les inégalités sociales et territoriales, met à mal la nature. L’Humanité va dans le mur, la construction européenne est menacée et la France « recule ». La nécessité s’impose donc de construire une autre mondialisation, de faire l’Europe autrement, d’avoir un projet pour le pays.

Construire une autre mondialisation ? « Autre » parce que la mondialisation elle-même, permise par le progrès des transports, des communications et du numérique n’est pas en cause. Elle existe et on ne peut l’ignorer. Même ceux qui étaient contre s’en sont rendu compte. Les « anti-mondialistes » sont devenus des « altermondialistes » laissant entendre qu’ « un autre monde est possible ». C’est la mondialisation construite par le néolibéralisme qui est insoutenable. Ses thuriféraires disent qu’il n’y a rien pour la remplacer : c’est le   « TINA » de Mme Thatcher, ancien Premier ministre britannique (« There is no alternative »). Le constat d’une timide démondialisation, les crises financières comme celle de 2008, les crises sociales un peu partout dans le Monde dont celles des Gilets Jaunes en France en 2018-2019, les crises sanitaires comme celle de la Covid 19 en 2020, la crise géopolitique de la guerre en Ukraine montrent que cette mondialisation néolibérale, décriée de toutes parts, atteint ses limites. Bien des voix s’élèvent pour une mondialisation plus équitable et plus durable, pour « rompre avec le fatalisme et changer le monde » (Olivier Bonfond). Le problème est de présenter des alternatives crédibles, mais pour retourner contre les néolibéraux leur slogan thatchérien « on n’a pas le choix » : il faut faire autrement sous peine d’effondrements environnementaux et sociétaux.

Construire une autre Europe ? Membre fondateur, la France est aussi un des moteurs de la construction européenne. Celle-ci a été un formidable facteur de modernisation de l’appareil production et d’expansion du commerce extérieur de la France, mais au prix de l’abandon de la plupart de ses leviers de développement. Effectivement, l’Europe, telle qu’elle a évolué, a trahi ses espérances d’origine pour aboutir à un vaste marché commun, le plus ouvert de la Planète, dirigé par la technocratie bruxelloise. Handicapée par les égoïsmes nationaux, elle est devenue « l’homme malade » de la mondialisation, géant économique peut-être mais nain politique assurément qui peine à se faire entendre dans la conduite des affaires du monde. Les peuples s’en détournent et elle doit changer si elle veut perdurer. L’Europe doit se réformer, devenir démocratique, solidaire et forte, sous peine de disparaître.  

Construire un projet pour la France ? Dans ce monde globalisé, elle reste une « grande puissance moyenne » mais son influence recule. On la dit en déclin. Elle n’est plus fière d’elle-même et son modèle serait en crise. Depuis plusieurs décennies, les politiques menées tentent de l’adapter à la mondialisation néolibérale, détricotant son modèle social, rétrécissant sa base productive, limitant son influence dans le monde, lui faisant perdre de son âme, par une sorte de dissolution dans la mondialisation néolibérale. Doit-elle continuer à « se livrer en aveugle au destin qui l’entraîne » pour paraphraser Racine, ou au contraire se ressaisir, avoir une vision d’avenir, faire valoir sinon faire prévaloir son point de vue, ses valeurs et ses intérêts en Europe et dans le monde ? Sans surestimer ni sous-estimer ce qu’elle est et la place qu’elle doit occuper dans le monde, nous pensons que la France doit s’affirmer en tant que telle et creuser son propre sillon.

Voilà qui peut sembler présomptueux, mais rien n’est pire que la résignation ou l’abandon. Cela suppose d’avoir « une certaine idée de la France », ce qui ne va plus de soi. Les notions et les valeurs de patrie, de nation, de grandeur de la France semblent bien désuètes, réactionnaires ou d’extrême droite à l’heure d’un mondialisme apatride. Ayons le courage de réaffirmer une ambition face au renoncement: La France doit rester ou redevenir « une puissance moyenne à vocation universaliste porteuse d’un modèle de société». Pour cela, il lui faut renouer avec la justice sociale, assurer son redressement productif et rayonner à l’international.

« Rien n’est pire que la résignation ou l’abandon »

Encore faudrait-il avoir les moyens de ses ambitions. La France n’en est pas dépourvue. Ce n’est pas par génération spontanée qu’elle est devenue la 7e puissance mondiale, même si sa place recule. Elle fait partie des pays modernes et développés. Elle présente certes des faiblesses comme des PME (Petites et moyennes entreprises) trop peu exportatrices, une certaine désindustrialisation, un déficit persistant de son commerce extérieur, mais aussi des points forts comme sa démographie dynamique, les aménités de son cadre de vie, son modèle social, son niveau d’excellence dans certains secteurs  

En outre, quand on passe en revue les atouts de la France, on reste dans une vision « métro-centrée » qui conduit à « une négation inconsciente de l’Outre-mer, ou une réduction de notre horizon aux limites de l’Hexagone »[1]. Les Outre-mer qui se composent de 12 territoires font de la France une puissance riveraine des trois principaux océans. A l’image de l’empire de Charles Quint, le soleil ne se couche jamais sur la France et ses Outre-mer.

Les territoires ultramarins, de surcroît, apportent à La France le deuxième domaine maritime du monde, la dotent d’une biodiversité d’importance mondiale, l’enrichit de sa population multiculturelle, jeune et bien formée. Si la France en a la volonté, ils lui donnent la possibilité de mener une politique maritime mondiale, de disposer de ressources agricoles, halieutiques et minières importantes, de rayonner dans leur espace géographique. Mais, en grande souffrance, les Outre-mer ont aussi besoin de projets de développement adaptés aux spécificités de leurs territoires, à l’identité et aux besoins de leurs populations.  

On le voit lors des crises, ce sont les Etats, donc les politiques qui décident en dernier ressort. Ils ont décidé de sauver les banques lors de la crise financière de 2008 ou de mettre l’économie entre parenthèses lors du confinement nécessité par la crise sanitaire de 2020. Des choix forts ont été faits. D’autres peuvent l’être encore. Les chefs d’Etat français successifs ont eu des paroles fortes et définitives sur la nécessité d’une grande politique maritime pour la France, sur les potentialités des Outre-mer, sur l’Afrique « qui est notre avenir », mais comme trop souvent les actes n’ont pas suivi les déclarations. Le constat est souvent fait que la France recule dans le monde sans avoir de stratégie à long terme. Une politique de développement partagé fondée sur les possibilités de la France, sur les atouts des Outre-mer et sur la chance que représentent les pays francophones, doit être une grande cause nationale comme la constitution de la force de dissuasion nucléaire, comme les réussites aéronautiques et aérospatiales, ou même comme la construction européenne. Elle doit, en conséquence, faire l’objet d’une mobilisation de la nation ». 

[1] Folliot (Ph.), Louy (X.) : « France-sur-Mer, un empire oublié », Monaco, éditions du Rocher, 2009, p.16.

Yves Mont-Rouge

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13 Commentaires

  1. Les valeurs de patrie , de nation ,de grandeur sembles bien désuète…pensez vous qu en supprimant la statue de mahé de labourdonnais, en debaptisant le lycée amiral bouvet etc…va donner de la grandeur à notre île et nous apporter de la fierté ? Vous même président de la COI à une époque faisait des effets d annonce …ou en est la coopération régionale ? On supprime le charbon sud africain pour les billes de bois canadien …et on parle d écologie ! On accepte une immigration à tout va à des fins électorale, mais on metrise plus rien ! L eau importer de France en bouteille est moins chère que celle de l’île ???? Monsieur cessez vos plaidoiries d un alimentaire politique ,et foutez vous au boulot .

    • bien dit mais je luis dis foutez vous à la retraite… vous n’avez rien fait jusqu’à présent pour nous c’est pas à votre âge que vous allez commencer. Même matante l’a compris ça elle préfère pousser des jeunes qu’elle peut manipuler que vous

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