Argent, réseaux et colonie

14 min de lecture
44

Une photo pour commencer ce dernier édito de la saison.Une photo prise sur la page Facebook de Mme Bello.

Vous l’avez sous les yeux : Huguette Bello et Emmanuel Séraphin. Ce dernier a été « fait » maire de Saint-Paul. « Fait » ou élu. Une formalité car tel était le souhait d’Huguette Bello. Emmanuel Séraphin, le 1er adjoint et président du TCO, qui accède au fauteuil de premier magistrat de la commune de Saint-Paul. C’est la consécration d’un fidèle parmi les fidèles, d’un homme qui a toujours été aux côtés d’Huguette Bello ; Séraphin, l’élu discipliné, respectueux, patient aussi dans le sens où, lui, contrairement à d’autres, n’a pas envie de brûler les étapes ou de « tuer maman » pour y arriver.

Un homme de parole également qui après avoir longtemps évolué volontairement dans l’ombre de Mme Bello se retrouve sur les devants de la scène, sous la lumière. La tâche ne sera pas facile mais, après son élection en interne, hier matin, jeudi 8 juillet, par le conseil municipal, à l’unanimité du groupe majoritaire, Emmanuel Séraphin a promis de bien mener sa barque. En face de lui, en 2026, la droite la plus conne du monde va aligner une bonne brochette de candidats et de candidates qui toutes et tous vont vouloir être Calife à la place du Calife en se disant que Séraphin sera beaucoup plus « dégommable » que Bello. Donc, si Séraphin bosse bien, le cafouillage à droite pourrait lui être bénéfique.

Au-delà de cette élection en interne d’hier, il est à noter que la commune de Saint-Paul est la grande gagnante des récentes départementales et régionales. Les exécutifs des deux plus grandes collectivités locales à l’issue des deux scrutins sont en effet issus du conseil municipal de Saint-Paul. Il s’agit d’Huguette Bello qui a été élue à la présidence de la Région et de Cyrille Melchior, conseiller municipal de l’opposition Saint-Pauloise, élu à la tête du Département. Mme Bello qui a passé le flambeau à son ancien 1er adjoint Emmanuel Séraphin restera conseillère municipale de la ville, mais consacrera la majeure partie de son temps à sa nouvelle fonction de présidente de la pyramide inversée. Et ce n’est pas le boulot qui va manquer. Les défis sont nombreux à relever, et les attentes, les espérances de la population sont grandes. Elle en et consciente. Elle n’aura pas droit à l’erreur.

Michel Fontaine, le big boss ou « parrain » ?

Voilà qui me donne l’occasion de revenir un instant sur les régionales et les départementales, non pas pour refaire le match, mais pour compléter l’édito de la semaine dernière intitulé « 2e tour Région et 3e tour Département : tout ce qui s’est passé derrière la cuisine ». Je vous l’ai dit Saint-Paul est la grande gagnante de ces élections. Olivier Hoarau, le maire du Port, est le grand perdant. Non seulement, il a définitivement déçu son (sa) mentor mais en plus il s’est cassé les dents aux départementales. Il lui faudra surveiller du côté de son aile gauche aux prochaines élections. L’autre grande perdante, c’est Nassimah Dindar qui, en déclarant sa candidature à la présidence du Département au soir du second toure du scrutin départemental, s’est un peu grillée. Enfin, je ne vous parle pas de Didier Robert qui, malgré un score relativement bon, a tout perdu. Non, je n’irai pas jusqu’à dire que « s’il a perdu la victoire, il n’a pas perdu la défaite ». Je laisse ça à mon camarade Loïc, grand supporter Saint-Paulois du socialiste Salim Nana-Ibrahim, candidat malheureux dans un canton saint-paulois le 27 juin dernier.

Didier Robert a tout perdu, avec un petit lot de consolation malgré tout, à savoir Saint-Denis qu’il lui faudra travailler pour les prochaines échéances, en sachant qu’Ericka Bareigts fera tout pour reprendre le dessus. Didier Robert qui devra sans doute se désister en appel concernant son inéligibilité de 3 ans (affaire de la Sem des musées régionaux) assez rapidement pour être sûr d’être libéré de toutes contraintes d’ici à 2026. S’il ne se présente pas aux législatives de 2022 dans la 1ère circonscription, Jean-Jacques Morel se fera sûrement un plaisir d’y aller, fort de la petite avance engrangée les 20 et 27 juin derniers dans le chef-lieu par son leader d’Objectif Réunion.

Je vous ai parlé de Saint-Paul, des perdants mais il y en a un qui, en douce et sans secousses, oui en silence, a très bien tiré son épingle du jeu. Nombreux sont ceux qui l’appellent « le parrain », moi je dirai plutôt le big boss ou le grand stratège du Sud. J’ai nommé Michel Fontaine, président de « LR » (Les Républicains), maire de Saint-Pierre et président de la Civis. Très fin au niveau de la méthode, très subtil dans l’action.

Je pense que Michel Fontaine n’a pas beaucoup pleuré la défaite de Didier Robert. Pas du tout même ! De là à dire qu’il est le seul responsable de l’échec du président sortant, je n’abonderai pas dans ce sens. Mais disons que le résultat de Saint-Pierre a en partie bloqué la route du troisième mandat au sortant.

Si Didier Robert avait été réélu à la présidence de la Région, il serait incontestablement devenu le véritable patron de la droite locale aux yeux de l’opinion publique et l’interlocuteur privilégié du pouvoir parisien pour les prochaines échéances électorales. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, il ne pèse plus grand-chose politiquement parlant. Je vous laisse donc deviner qui est le grand patron, l’homme fort, l’incontournable référent de la droite locale. C’est bien connu, le malheur des uns fait forcément le bonheur des autres. Ça c’est pour les régionales et je n’en dirai pas plus ! Je laisse la parole à Michel Vergoz, le maire « socialiste-En Marche » très déçu après l’échec de son candidat et allié Didier Robert. En guise de thérapie, il s’est lancé dans la réalisation d’une vidéo pour dire tout le « bien » qu’il pense de son coéquipier des régionales, Michel Fontaine.

Concernant les départementales, Michel Fontaine a plus que tiré son épingle du jeu. Il a fait élire ses trois binômes sur Saint-Pierre dont l’un est composé de Serge Hoareau, maire de la Petite-Ile et président de l’Association des maires de la Réunion (AMDR). Et pour la présidence, il a misé sur deux candidats à la fois : Cyrille Melchior et Serge Hoareau. Le premier pour compter toutes les voix de droite. Le second pour « bloquer » les voix de gauche. Puis au dernier moment, il a demandé au maire de la Petite-Ile de se retirer de la compétition.

En effet, deux jours avant l’élection pour la présidence du Département, le mardi 29 juin, Serge Hoareau annonce son retrait à son entourage. La gauche, orpheline de candidat, n’a plus de marge de manœuvre. Nassimah Dindar tentera de sauvegarder les voix de gauche tout en essayant de rallier celles du groupe de 7 élus formé par Juliana M’Doihoma, la maire de Saint-Louis et celles de Patrice Selly (Saint-Benoit). En vain ! Elle jettera l’éponge, elle aussi, quelques heures avant le scrutin du « 3e tour ». Au départ, elle souhaitait monter un groupe de « non alignés » pour faire l’appoint en faveur de Serge Hoareau, mais lorsque ce dernier sur les conseils de Michel Fontaine décide d’abandonner la partie sous prétexte qu’il ne sera pas soutenu par André Thien-Ah-Koon (les 4 élus du Tampon), elle comprend qu’elle n’aura aucune chance, d’autant que Juliana M’Doihoma, puis un peu plus tard, Patrice Selly, optent pour le candidat de Melchior. Tout laisse à penser que Serge Hoareau a été le leurre de Michel Fontaine pour « piéger » la gauche et garder Le Département à droite. Quand on y regarde d’un peu plus près, le Sud, Saint-Louis y compris, compte 9 vice-présidents sur 15 et 14 élus au total au sein de la commission permanente. En cas d’échec pour Melchior dans les négos, Michel Fontaine et ses élus auraient basculé dans le camp de Serge Hoareau pour décrocher des vice-présidences. Il a donc bel et bien joué deux candidats pour être sûr d’être au pouvoir quel que soit le lapin qui serait du chapeau.

Et par rapport à la Région, nul doute que les relations avec la nouvelle présidente de Région seront par ailleurs plus apaisées qu’elle ne l’ont été avec Didier Robert durant la dernière mandature. Ai-je besoin de rappeler l’épisode des fameux « dinosaures » ou encore les petites phrases du genre « il faudra arrêter de nourrir les traitres» etc… On pourra dire ainsi que le pouvoir a été partagé entre l’Ouest et le Sud (même si Cyrille Melchior est élu à Saint-Paul). Michel Fontaine et Tak pèsent lourds dans la balance électorale départementale. Au terme de ces deux scrutins, on ne peut pas dire non plus que le PS de Gilbert Annette a beaucoup brillé. Là encore ce ne sont pas Michel Fontaine et Huguette Bello qui vont se lamenter ! Si Michel Fontaine (sans doute avec la complicité de Tak) a joué finement, force est de constater qu’Huguette Bello n’a pas laissé sa part aux chiens. Sa décision de laisser la place de « président bis » à Patrick Lebreton (7,78% des suffrages aux régionales) plutôt qu’à un ou une élu (e) de Bareigts (18,48%) en dit long sur les relations PLR-PS, sur la bataille de leadership politique à gauche.

Puisse nos élus ne plus céder au chantage et ne plus capituler face aux méthodes de voyous d’où qu’elles viennent !

Encore un petit mot de politique pour rappeler que Thierry Robert est redevenu éligible. Il l’a fait savoir en début de semaine sur sa page Facebook. Il a même écrit qu’il sera dorénavant « plus apaisé » et analysera les situations avec « beaucoup plus de recul ». Lé vrai ce mensonge ? Thierry Robert « apaisé » ? Je demande à voir ! L’avenir nous le dira… Ce qui est sûr, c’est qu’il va être encore plus aux aguets sur les affaires communales, je veux dire sur la gestion Domen. On va à coup sûr entendre parler de lui aux prochaines législatives (2022) mais surtout aux municipales de 2026.

Toujours à propos de Thierry Robert, la Cour d’Appel l’a tout compte fait relaxé dans l’affaire de « menace » contre le directeur général du JIR Jacques Tillier. Affaire datant de 2018. Alors que l’ancien député de la 7ème circonscription venait d’être destitué par ses pairs de l’Assemblée nationale, Tillier continuait à le « chercher » dans ses éditos du samedi. Aussi, un matin, Thierry Robert avait pris son téléphone, appelé Abdul Cadjee , qui était encore patron du journal en question, pour lui expliquer que « si Tillier continuait à le chercher encore alors qu’il n’occupait plus aucune fonction politique/publique, il allait le trouver ».

Capon comme pas deux, la direction du Journal est partie pleurer auprès du Procureur de la République tout en déposant plainte contre l’ancien maire de Saint-Leu. En mai dernier, le tribunal correctionnel avait condamné ce dernier à 4 mois de prison avec sursis. Mais il a fait appel. La Cour d’appel a rendu son verdict hier, jeudi 8 juillet 2021. Les juges ont relaxé Thierry Robert. Je sais qu’on ne commente pas une décision de justice, mais celle de la Cour d’appel relève tout simplement du bon sens. Entre se faire « pourrir » la vie gratuitement (noir sur blanc) tous les samedis en étant jeté injustement à la vindicte populaire et en se faisant traiter régulièrement « d’idiot », de « clown », de « con » qui plus est quand on occupe plus de fonction publique et une simple menace téléphonique donc orale, y’a quand même pas photo. Faut être vraiment peureux pour aller déposer plainte, rien que pour ça. Rappelons que la direction du JIR avait également porté plainte contre Thierry Robert, à l’époque, pour insultes et injures racistes. Thierry Robert avait traité le directeur de ce journal de « gros blanc ». Un mot passé depuis longtemps dans le langage courant, familier ; Un mot souvent employé par l’éditorialiste du JIR lui-même à l’encontre de plusieurs autres personnes qu’il étend sur souvent sur sa fameuse corde à linge avec la complicité de son dessinateur du samedi.

Des documents qui circulent depuis environ deux semaines et dans lesquels est étalée la grille des salaires du JIR dont celui de son directeur général.

En parlant du JIR et de son directeur général, celui-ci, via nos confrères de « Parallèle Sud », média sur réseaux sociaux, défraye la chronique depuis deux jours. Il est question notamment de son salaire de 17 000 nets mensuel et du montage réalisé pour que le JIR soit racheté par…le JIR sans le passif, sans les dettes de plusieurs millions d’euros et, d’une certaine façon avec l’aide de la justice et des grandes administrations (CGSS, la direction des impôts…). Rien de surprenant à vrai dire, en tout cas pour moi, car je dénonce depuis belle lurette déjà cette façon de faire, à savoir les 30 000 euros bruts de salaire du directeur général (400 000 € annuels de masse salariale pour un seul homme dans un journal soit disant en grande difficulté financière). J’ai aussi dénoncé sa berline allemande toute rutilante comme voiture de fonction, la villa de fonction à plusieurs milliers d’euros de loyer, les billets d’avion en class business, les repas gratos dans un hôtel-restaurant haut de gamme sur les hauteurs de Saint-Denis, l’embauche de journalistes copains dont certains sortis de leur retraite métropolitaine pour venir remplacer des « locaux » virés par la même direction générale, la nomination de pas moins de quatre rédacteurs en chef (déléguée syndicale y compris) avec revalorisation de salaire pour acheter la paix sociale avec l’argent public… Tout cela dans un journal qui était en redressement judiciaire.

Plus d’une fois, j’ai trouvé et écrit qu’il y avait, à mon sens, anguille sous roche, qu’une collectivité comme la Région ne pouvait pas mettre toutes ses billes (argent des contribuables) dans le même panier « amical » pour alimenter le train de vie luxueux du directeur général d’un journal. Plus d’une fois j’ai tenté de tirer la sonnette d’alarme pour dire que quelque chose ne tournait pas face à tant d’injustices qui existent par ailleurs, qu’il y avait manifestement complicité de l’institution judiciaire et d’autres administrations avec tous ces « montages financiers abracadabrantesques ». Et plus d’une fois, je me suis retrouvé au tribunal pour diffamation, poussé en procès par la Région, financeur du JIR. Toutes les fois, j’ai gagné. Dieu merci. Parce qu’il existe une justice divine. Merci aussi à notre avocate Me Béatrice Boyer-Pennino qui a su faire triompher le Droit.

La seule chose qui m’attriste c’est de voir qu’il existe encore dans mon île, en 2021, des passerelles entre le système judiciaire et certains réseaux qui se nourrissent grassement de l’argent public avec la complicité flagrante de certains de nos élus comme au temps de la colonie. Des élus voir même de hauts fonctionnaires d’Etat qui ne doivent sans doute pas avoir « les fesses propres » pour être à ce point au garde-à-vous devant un seul homme en monnayant le silence avec l’argent de nos impôts via des campagnes de pub et le versement de subventions à n’en plus finir. Et pendant que certains de ces chefs d’entreprise du privé pètent dans la graisse avec l’argent des contribuables, des familles entières n’arrivent même pas à décrocher une aide pour financer les études ou l’installation de leurs enfants ici, en métropole ou à l’étranger. Pendant que l’argent de nos impôts servent à « nourrir » certains patrons « traitres », combien de petits artisans assistent impuissants à la liquidation de leur entreprise par une justice intraitable ? Combien de petits agriculteurs ou de particuliers modestes ont été contraints de démolir leur petite case en bois sous tôle face aux « commandements » des organismes d’Etat ? Combien de petits chefs d’entreprises se sont retrouvés à la rue face pour des dettes de quelques milliers d’euros sur lesquelles les administrations concernées n’ont jamais voulu passer l’éponge parce que eux n’avaient aucun moyen de chantage, de faire pression ?

Mais je ne désespère pas de voir un jour nos élus (je m’adresse plus particulièrement à la nouvelle présidente de la Région, à son premier vice-président et au président du Département) se dresser face à certaines méthodes de voyous qui consistent à marchander achats exagérés d’espaces publicitaires et versement à outrance de subventions contre « paix médiatique ».

Je ne désespère pas de voir un jour des magistrats ne faire que leur job de juriste sans se sentir obligés de se plier aux lois suspectes de certains réseaux qui font penser à bien des égards à l’époque de la colonie.

La roue finira par tourner, j’en suis certain. Il faut savoir faire preuve de patience. D’un point de vue politique, elle a déjà tourné pour certains. Pour les autres, ça viendra car bien mal acquis ne profite jamais éternellement ! Ceux qui sèment le vent finissent toujours par récolter la tempête !

En attendant que justice soit faite un jour et que notre île soit définitivement débarrassée de « chasseurs de primes » qui viennent se gaver sur le dos des plus faibles, il faut se préparer à affronter peut-être pas une tempête mais bien une quatrième vague de Covid avec en prime le variant Delta – qui, localement, hélas, gagne du terrain – voire même les variants Lambda et Epsilone, déjà bien présents en Europe et qui pourraient rentrer chez nous via les vacanciers de juille-août. Je suis comme vous. J’attends de voir ce qui va se passer mais mon petit doigt me dit qu’en dépit de l’attitude surprenante des autorités (du genre peace and love) face à l’explosion des cas aussi bien de Covid que de la dengue, les jours meilleurs sont derrière nous. A suivre !

Ce sera tout pour aujourd’hui. Passez de bonnes vacances quand même ! Toutes mes félicitations aux bachelières et aux bacheliers ! Rendez-vous à la rentrée pour « l’édito du vendredi » sur freedom.fr et pour « Ça Koz Politique » sur Antenne Réunion … si Dieu le veut ! Soyez prudents et vigilants, portez-vous bien !

Y.M.

([email protected])

 

Yves Mont-Rouge

[email protected]
Téléphone : 0692 85 39 64

0 0 votes
Note de l'article
S'inscrire
Me notifier des
44 Commentaires
plus de votes
plus récents plus anciens
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Article précédent

Tractations du 2e tour Région et du 3e tour Département : tout ce qui s’est passé derrière la cuisine !

Article suivant

Vaccination : « zot y comprend rien dans les DOM parce que zot lé illettrés ! »

Free Dom